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internes, parce que ces phénomènes sont soumis à la seule condition du temps » ou pour parler sa langue « parce que l’intuition interne dans laquelle ces phénomènes doivent être construits n’a qu’une seule dimension, le temps. »

2° Les phénomènes internes ne sont pas accessibles à l’expérimentation, c’est-à-dire à une observation faite dans des circonstances déterminées, variables à volonté et contrôlées par l’emploi de la mesure.

Aux observations de Kant, on a répondu ce qui suit[1] :

En ce qui touche le premier point, il est certain que pour présenter les faits internes sous une forme mathématique, il faut qu’ils contiennent au moins deux variables, qui représentent en quelque sorte deux dimensions. Mais c’est ce qui a lieu en effet, et les conditions exigées par Kant sont réalisées. Nos sensations, perceptions, sentiments, sont soumis non-seulement à la condition du temps, mais à des variations d’intensité. Ce sont des grandeurs intensives qui forment une série dans le temps.

En ce qui touche le second point, quoique Herbart ne paraisse nulle part avoir entrevu la possibilité d’une expérimentation, il suffit de rappeler les travaux sur la psycho-physique, faits postérieurement à lui par Fechner, Volkmann, Helmholtz, Wundt, Delbœuf, etc. Sans doute, nos états de conscience sont des grandeurs indéterminées. Mais est-il impossible de les déterminer, c’est-à-dire de les soumettre à la mesure ? La condition essentielle d’une mesure, c’est un rapport fixe entre ce qui mesure et ce qui est mesuré. Tel est le rapport qui existe entre un effet et sa cause. Dans les sciences physiques, c’est par la variation des effets que nous mesurons la variation des causes. Dans la psycho-physique, c’est le contraire ; la variation de la cause mesure la variation des effets. La mesure du temps nous offre un exemple très-ancien de ce procédé. Nous mesurons le cours de nos états internes à l’aide de leur cause externe — le mouvement des objets dans la nature — mouvement qui occasionne lui-même le cours de nos états de conscience. C’est un procédé analogue que suivent les psycho-physiciens lorsqu’ils se servent de l’intensité des excitations (cause) pour mesurer l’intensité des sensations (effet). — Peut-être même serait-il possible de procéder ici exactement comme les sciences physiques ; de mesurer, comme elles, la cause par l’effet, c’est-à-dire le phénomène de conscience par l’action extérieure qu’elle produit, par le mouvement, Mais cette méthode a été peu suivie jusqu’à ce jour, parce qu’elle

  1. Pour cette discussion, voir en particulier Wundt. Grundzüge, p. 5, 6.