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plet antagonisme, et s’il en surgi une troisième c moins antagoniste ; l’antagonisme cesse aussitôt entre a et b et toutes deux tombent sur c, à peu près, dit un critique d’Herbart, comme deux batailleurs qui viendraient tomber sur un innocent. Il est certain, comme le fait remarquer Wundt, que s’il est de l’essence des représentations antagonistes de s’arrêter réciproquement, l’intervention de c doit simplement modifier cet antagonisme, tout comme l’attraction entre deux corps est modifiée, mais non supprimée par l’intervention d’un troisième.

2° Le défaut commun des hypothèses de Herbart, c’est donc d’être bien rarement appuyées sur l’expérience et préparées par une induction préalable. Quant à la vérification expérimentale des résultats, elle manque complètement. Herbart ne paraît pas avoir pressenti les travaux de psycho-physique dont nous avons parlé. D’ailleurs, cette vérification ne pouvait être faite que par des physiciens et des physiologistes et Herbart était un pur métaphysicien versé dans les mathématiques.

Sa conception de la psychologie est celle d’une mécanique de l’esprit. Il a essayé de passer de la description vague des phénomènes psychiques à la connaissance précise des états élémentaires qui les produisent. La phrase citée plus haut : « La psychologie construit l’esprit avec des représentations, comme la physiologie construit le corps avec des fibres », montre qu’il tendait à une révolution analogue à celle de Bichat. Celui-ci à la description pure et simple des organes, a substitué une étude bien plus philosophique : celle des tissus (plus tard des éléments anatomiques). Si Herbart eût réussi, il eût créé l’anatomie générale de l’âme. Mais la forme même de son essai le condamnait à un échec : car si jamais la réduction des états de conscience à une mécanique devient possible, cette réduction ne se fera pas par des moyens aussi simples que ceux qu’il avait imaginés. En admettant, ce que rien ne prouve, que le calcul puisse s’appliquer un jour à la psychologie comme il s’applique à la physique, il est certain que cette phase dernière de la science ne pourra être atteinte que si, par des réductions successives, on a pu ramener préalablement la psychologie à la biologie, celle-ci à des sciences de moins en moins complexes et finalement à la mécanique. Aussi de nos jours, ce n’est pas à une mécanique abstraite, c’est-à-dire à des rapports abstraits entre des forces abstraites que la psychologie a recours ; c’est la mécanique nerveuse seule qui la touche et la tâche est bien assez lourde. Nous comprenons mieux qu’il y a cinquante ans, que de la psychologie à la mécanique la transition ne peut pas se faire immédiatement.