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repousse l’opinion que l’Idée elle-même est « la productrice » du mouvement, la force motrice du développement. Mais ces trois points établissent seulement une distinction entre la manière dont l’Idée est comprise par Bahnsen ainsi que par moi, et la manière dont elle est comprise par les Hégéliens. C’est donc un simple malentendus ! Bahnsen doute le moins du monde que je ne reconnaisse ces points.

À mes yeux aussi l’Idée a seulement son existence dans un autre objet, et non en elle-même ; à mes yeux aussi, elle est l’opposé intuitif-concret de toute pensée abstraite discursive ; pour moi aussi elle est une chose sans force, qui puise dans la volonté toute puissance pour réaliser ce qu’elle voit. Moi aussi, je regarde la volonté comme l’unique motrice du processus réel, tandis que l’Idée détermine seulement le contenu de chaque phase du développement[1]. À mes yeux aussi l’idée et la volonté sont inséparables dans un double sens, premièrement en ce qu’une idée actuelle peut se concevoir seulement comme idée d’un vouloir actuel et un vouloir actuel peut seulement se concevoir comme forme de la réalisation d’une idée actuelle ; deuxièmement, en ce qu’abstraction faite de toute actualité, l’idée et la volonté forment une unité substantielle qui défend de parler en aucune circonstance « d’un manque de relations entre elles, » ou de la nécessité de créer « un pont » pour les rattacher l’une à l’autre. Ainsi les différences principales, que Bahnsen cherche à établir, se réduisent à néant, et nous avons à enregistrer son aveu final que lui aussi possède dans l’Idée, c’est-à-dire dans le contenu idéal, immanent à la volonté, quelque chose qui peut être mis en comparaison, sinon placé au niveau du moment formel-logique avant son entrée en activité.

Nous avons déjà montré que Bahnsen met l’Idée acceptée en ce sens dans un rapport trop étroit avec le motif ; mais cette question n’est ici d’aucune importance. Seulement quand il ajoute « en insistant sur ce point » que l’idée est ce qui se développe uniquement dans la volonté (considérée comme son substratum) il nous ramène à la véritable divergence qui existe entre lui et moi. Celle-ci consiste en ce qu’il se permet relativement à la volonté ce qu’il défend à lui-même et à tout autre relativement à l’idée, je veux dire la personnification (Hypostasirung) et que, par cette réduction de la volonté seule à l’état d’hypostase, l’idée descend à une position subordonnée

  1. Le principe logique formol détermine seulement la marche idéale de l’intuition inconsciente, tandis que toute réalité, celle du processus du temps y compris, dérive de la Volonté. La Volonté n’a donc pas besoin d’être élevée « à un degré supérieur », quand l’Idée a atteint une nouvelle phase de développement, car elle réalise chaque contenu de l’Idée et reste néanmoins toujours égale à elle-même.