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delbœuf. — hering et la loi de fechner.

diminue à mesure qu’on s’éloigne du centre de la Terre ? cette densité est une fonction immédiate de la hauteur, et pourtant cette fonction est logarithmique. La propagation de la chaleur le long d’une barre métallique est due à la source de chaleur qui agit sur la barre sans intermédiaire, et pourtant ici encore interviennent les logarithmes. Je repousse donc en partie l’argumentation du savant professeur de Prague, et j’accepte néanmoins sa conclusion.

Je ne suis pas davantage ébranlé par un second argument qu’il a déjà fait valoir précédemment. L’âme, dit-il, ne pourrait se faire une idée adéquate du monde extérieur, si les effets internes n’étaient pas proportionnels aux causes externes. Du moment que les grandeurs extensives de l’étendue et de la durée ne sont représentées en elle que proportionnellement à leurs logarithmes, l’âme n’aura aucune idée conforme à la réalité, les dessins des objets seront, par exemple, totalement métamorphosés, et le rhythme d’un morceau de musique parfaitement indéchiffrable. Je me permettrai de demandera M. Hering si un tableau ne représente pas avec vérité un paysage, bien qu’il n’y ait aucune proportionnalité entre les intensités des couleurs naturelles et celles de nos couleurs artificielles. Dans la nature les éclats pourront être, par exemple, dans la proportion de 100, 30 et 1, et le peintre aura employé un rapport 10, 6 et 2[1]. Je laisse donc de côté cette objection que j’ai déjà rencontrée et sur laquelle je reviendrai encore, et j’aborde le troisième point de l’argumentation de M. Hering.

Chacun de nous, dit-il, est plus ou moins en état de lancer un caillou à une distance donnée et sait proportionner son effort au poids de ce caillou. Si ce poids du caillou ne fait sur l’âme qu’une impression proportionnelle à son logarithme, tandis que la dépense de force musculaire est proportionnelle au nombre, il faut donc admettre qu’il y a.une loi logarithmique inverse qui relie la sensation à la volonté, ou plutôt la volonté à l’action musculaire, en ce sens que la volonté croîtrait suivant les logarithmes et la force suivant les nombres.

Le raisonnement est, sans contredit, ingénieux. À la rigueur on peut répondre que si l’on admet une loi logarithmique, rien n’empêche d’en introduire deux. Mais il faut tout au moins reconnaître que l’on n’avait pas entrevu une pareille nécessité et que le coup n’en est pas moins bien porté.

  1. Voir dans la Revue scientifique du 9 septembre 1876, l’article de Helmholtz sur l’Optique et la peinture.