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delbœuf. — hering et la loi de fechner.

Toutefois, dans sa préoccupation des causes finales, M. Hering reconnaît à la loi logarithmique cet avantage que la couleur réelle des objets, qui est un de leurs attributs essentiels, subit par là dans la sensation moins de changement quand la clarté change, que si l’éclat réel et l’éclat apparent demeuraient proportionnels. Reste l’explication du fait. Il est certain que la sensation de lumière croit plus lentement que sa cause. Ainsi, quand au moyen d’un appareil tournant, sur un disque dont le centre est blanc et le bord noir, on forme un anneau gris intermédiaire dont l’éclat réel soit exactement moyen entre ce noir et ce blanc, il se rapprochera plus pour l’éclat apparent du blanc que du noir. La différence entre le centre et l’anneau, quoique égale en réalité à celle qui existe entre cet anneau et le bord, est donc sentie comme plus petite que celle-ci.

Mais n’y a-t-il pas moyen d’expliquer cette loi par les propriétés physiologiques de l’œil ? sans doute, répond le savant physiologiste. L’œil, par sa construction, grâce à l’iris et aux paupières qui dispensent rentrée de la lumière, s’accommode à une lumière moyenne, et par là il obtient que l’éclat des objets extérieurs vienne frapper la rétine avec une intensité presque toujours à peu près la même. D’ailleurs, d’après la loi de Fechner prise dans sa rigueur, les choses devraient dans l’obscurité nous apparaître avec le même éclat qu’en plein jour. Nous sommes en outre parfaitement capables de juger si la lumière générale devient plus intense. La loi est ici en contradiction avec les faits ; Fechner, d’un autre côté, ne tient aucun compte de la faculté d’adaptation de la pupille et de la rétine ; enfin les phénomènes peuvent s’expliquer physiologiquement ; — on peut donc sans difficulté soustraire à la loi logarithmique les sensations lumineuses.

Il y a quelques années déjà, j’avais adressé à la loi de Fechner, prise à la lettre, plusieurs des objections précédentes ; et j’avais en conséquence fait subir à la formule de Fechner une légère correction qui la met à l’abri de ces reproches et que des expériences nombreuses sont venues confirmer. Je reviendrai plus tard encore sur ce point. Et quant à ce que dit M. Hering des propriétés physiologiques de l’œil, il est loin d’avoir expliqué par là pourquoi le gris moyen, entre un blanc d’un éclat égal à 32 et un noir d’un éclat égal à 2, est non pas d’un éclat égal à 17, mais à 8, nombre précisément réclamé par la loi de Fechner. Cette loi est déjà assez maltraitée pour qu’on ne lui enlève pas injustement ce qui lui reste. Et pourtant M. Hering tâche encore de la priver de toute valeur à l’égard des sensations auditives.

Dans un son, on distingue l’intensité et le ton. Pour prouver que la loi logarithmique ne peut intervenir dans les phénomènes d’inten-