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delbœuf. — hering et la loi de fechner.

V. — Position nouvelle de la question. Limites et restrictions à apporter à la loi de Fechner.

Je vais donc essayer de sauver la loi logarithmique. Ce n’est pas, bien loin s’en faut, que je veuille entreprendre la défense du système de Fechner dans tous ses détails : il est de toute évidence que la question doit se poser autrement. D’ailleurs, oserais-je le dire en parlant d’un si grand homme, il y a peut-être quelques scories dans les produits de sa vaste intelligence, et M. Hering a, par ses travaux, fourni les moyens de les mettre à part et de s’en débarrasser. Déjà, en 1865, j’avais été frappé de certaines contradictions, de certaines anomalies, de certaines absurdités même que présentait la loi logarithmique. Déterminé surtout par la théorie qui se corroborait de certains faits d’observation journalière, je fis subir à la formule de Fechner deux corrections à mes yeux importantes, l’une au point de vue mathématique et physique, l’autre au point de vue physiologique. L’une et l’autre correction furent l’objet d’expériences nombreuses qui en établirent la légitimité. Ces expériences portèrent sur les sensations de lumière et de fatigue. Ce travail qui aurait pu voir le jour en 1867 ou 1868, pour des raisons qui y sont exposées en note, p. 50, ne fut publié qu’en 1873[1]. J’ai écrit depuis, sur la même question, un mémoire qui a paru en janvier 1876[2]. M. Hering n’a évidemment pas connu le premier écrit ; et il ne pouvait naturellement connaître le second, quand il a entretenu l’Académie de Vienne de ses doutes et de ses recherches. Si je regrette cette circonstance, c’est que j’aurais voulu voir soumis à un critique aussi rigoureux et aussi perspicace, les résultats de mes travaux et de mes méditations, et si je mentionne le fait dans ces pages, c’est que je me vois obligé de reprendre l’exposé de mes vues, qui me semblent être restées hors de l’atteinte des coups adressés à Fechner, et seules se trouver aptes à donner de la loi logarithmique une interprétation rationnelle et satisfaisante.

La loi de Fechner, disais-je dans l'Étude psychophysique, est insoutenable au point de vue mathématique. Elle entraîne des conséquences absurdes, et la manière dont elle est établie ne procure

  1. Étude psychophysique, etc.
  2. Théorie générale de la sensibilité, Mémoire contenant les éléments d’une solution scientifique des questions générales relatives à la nature et aux lois de la sensation, à la formation et au rôle des organes des sens, à l’action de la sensibilité sur le développement physique et intellectuel de l’individu et de l’espèce (Bruxelles, Muquardt, 1876).