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chure de M. Hering, mon intention n’avait jamais été arrêtée sur la nature de cet attribut, et bien que, par l’effet du hasard peut-être, je ne l’aie rangé ni parmi les notions cinématiques ni parmi les qualités sensibles, je le rattachais cependant d’une façon assez inconsciente à ces dernières. J’étais certainement influencé en cela par les recherches de Weber et la loi découverte par lui concernant ce qu’il appelait les sensations de poids. Comme je l’ai déjà dit, j’avais toutefois certains doutes sur la légitimité absolue de cette loi en tant qu’appliquée à cet ordre de sensations. Les travaux de M. Hering m’ont réveillé de mon sommeil dogmatique. Sans contredit, les sensation » dites de poids se rattachent à la motilité. Considérons une simple fibre musculaire et supposons qu’on lui suspende un poids, elle sera tiraillée, allongée, et il va en résulter pour elle une sensation motile. En quoi cette sensation diffère-t-elle de celle que nous procure la contraction de nos muscles lorsque nous nous mouvons ? en ce qu’ici la modification musculaire est voulue, tandis que l’allongement de la fibre par le poids se produit sans participation de la volonté, et qu’on doit combattre cet allongement, ce relâchement par une contraction volontaire. La lutte nécessite un effort, et l’effort me permet d’apprécier, de mesurer la résistance. Qu’à la place d’une fibre musculaire on mette un faisceau de fibres musculaires, le raisonnement reste identique. Il est dès lors naturel que j’évalue plus ou moins approximativement le rapport de deux poids, et qu’un surcroît de 10 kilogrammes m’apparaisse comme à peu près toujours le même, qu’il vienne s’ajouter à 2 ou à 20 kilogrammes. La notion de pesanteur doit donc se ranger parmi les notions cinématiques. Ce serait le moment de toucher un mot des résultats remarquables obtenus par M. Hering dans ses expériences ; mais j’attendrai que les résultats en soient tout à fait connus, surtout vers les limites supérieures, avant de me prononcer à ce sujet.

Je devrais encore m’expliquer maintenant sur la notion de pression. Elle est très-complexe. À certains égards, elle se rattache aux notions cinématiques, puisque je juge si un corps est mou ou dur suivant la résistance qu’il offre à la pénétration[1]. D’autre part, on éprouve, ce me semble, une sensation véritable et nettement caractérisée quand un corps plus ou moins lourd presse, par exemple, la main posée sur un plan. S’il en est ainsi, le poids est parfois une qualité esthétique de l’objet. Je me contente ici d’énoncer mes perplexités et mes doutes. Je conçois que, d’un côté, Weber ait trouvé dans ces sortes de sensation la confirmation de sa loi ; et, d’un

  1. Voir Théorie, etc., p. 102.