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delbœuf. — hering et la loi de fechner.

autre côté, je ne m’étonnerais pas si de nouvelles expériences amenaient d’autres résultats.

Voilà donc la loi logarithmique débarrassée de cette escorte de grandeurs extensives qui l’ont obscurcie au point qu’elle en était devenue méconnaissable. Il va maintenant nous être plus facile de la soustraire aux autres attaques dirigées contre elle.

VIII. — Suite de la réponse : vraisemblance de la loi logarithmique.

Les sensations proprement dites sont celles de lumière, de son, de température, de goût et d’odeur (et de pression ?). Dans les sensations, du moins dans certaines d’entre elles, on peut considérer l’élément quantitatif et l’élément qualitatif. L’élément quantitatif des sensations lumineuses provient de l’éclat, tandis que l’élément qualitatif est fourni par la couleur. Le volume, la force du son en est la quantité, et le timbre, la qualité. Je discuterai plus loin le caractère de la tonalité. Les sensations de température semblent ne se distinguer entre elles que sous le point de vue de l’intensité ; il en est de* même de celles de pression.

À quoi est due la qualité d’une sensation ? nous n’avons pas à examiner à fond cette question. Remarquons seulement que cette qualité pourrait être due à une réaction spécifique de la substance nerveuse (hypothèse de Young sur la composition de la rétine), et qu’elle peut tenir aussi à une certaine combinaison de sensations simples mélangées dans divers rapports d’intensités (timbre). La loi logarithmique s’applique principalement à l’élément quantitatif de la sensation, en d’autres termes, la sensation choisie pour l’expérimentation de cette loi, est censée rester monochrome et ne pas changer de nature quand l’intensité de la cause extérieure se met à croître[1].

Toute sensation résulte d’un contraste : l’uniformité complète, absolue, nous laisse indifférent[2]. J’éprouve, par exemple, une sensation calorique lorsque, étant accommodé à une température t au point de n’avoir ni chaud, ni froid, elle vient brusquement à changer et devient t’. Le désaccord qui existe entre l’état de mon corps et celui que tend à produire le milieu ambiant donne lieu à la sensation, et celle-ci persiste en s’affaiblissant tant que le désaccord subsiste. Si j’étais dans une atmosphère uniformément lumineuse, si mon corps lui-même participait à cet éclat et était, par conséquent, compléte-

  1. Voir cependant plus loin ce que nous disons en note touchant les contrastes des couleurs.
  2. Voir Théorie, etc., p. 53.