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ANALYSES. — hartmann.Réalisme transcendantal.

sont pas des choses réelles, et ne peuvent, tout d’abord et d’une manière immédiate, prétendre à la réalité transcendantale ; et qu’elles n’y conduisent que par une voie indirecte. » M. de Hartmann ne croit pas avoir besoin de faire le procès aux deux premiers systèmes : la critique de Kant en a définitivement triomphé. Il s’agit pour lui de justifier la préférence qu’il accorde au réalisme transcendantal sur l’idéalisme du même nom.

I. la phénoménalité subjective. Le subjectivisme de Kant trouve sa formule expresse et complète dans le passage suivant de la critique : « Si j’écarte le sujet pensant, le monde des corps tout entier doit s’évanouir : car il n’est qu’un phénomène produit dans la sensibilité du sujet, et une certaine classe des représentations propres à ce dernier. » Kant trahit cependant sans cesse le besoin de sortir de cet idéalisme purement subjectif ; mais, malgré ses efforts, il retombe presque toujours sous l’influence de la doctrine de Berkeley. (M. de Hartmann aurait sans doute à répondre ici aux objections de Riehl, qui a incidemment entrepris d’établir dans son livre « Le criticisme philosophique, » 1876, que « l’idéalisme de Berkeley ne saurait être considéré comme l’une des causes déterminantes de la philosophie de Kant. » Vaihinger adopte ce jugement de Riehl dans son dernier ouvrage : « Hartmann, Dühring et Lange », 1876).

Il est intéressant d’examiner les passages principaux de la 1re  critique, où la tentative de revenir au réalisme est faite par Kant, comme d’instinct et en passant. Nous apprécierons plus tard les efforts plus systématiques qu’il poursuivit dans le même sens par sa doctrine de « l’objet transcendantal » et celle de la « cause transcendante. »

Signalons d’abord une grossière contradiction, sur laquelle il n’est pas besoin d’insister : Kant écrit dans un certain endroit : « Toute perception extérieure démontre immédiatement l’existence de quelque chose de réel dans l’espace, ou plutôt est le réel lui-même, »

Moins grossièrement, mais non avec plus de succès, Kant revient à quatre reprises à ce réalisme, que repoussent les principes de son système. 1° Il veut démontrer l’objectivité de la perception, en la distinguant de l’imagination. « L’imagination, dit-il, est le pouvoir de représenter un objet dans l’intuition du sujet, sans que cet objet soit présent » (ohne dessen Gegenwart). — 2° Il remarque que « l’unité de la conscience est ce qui seul fait le rapport des représentations à un objet, par suite leur valeur objective ; ce qui seul enfin fait qu’elles sont des connaissances. » — 3° Kant soutient encore que les règles (Gesetz-mässigkeit) établies par le sujet, suffisent à déterminer l’objectivité des représentations. — 4° « Toute détermination de la durée suppose quelque chose de permanent. Ce principe permanent ne peut être en moi, puisque ma propre existence dans le temps ne peut être justement déterminée que par ce même principe. La perception de ce permanent n’est donc possible que par la réalité d’une chose en dehors de moi, et non par la simple représentation d’une chose en