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ANALYSES. — hartmann.Réalisme transcendantal.

mutuelle des diverses consciences, de recourir à un occasionalisme qui ne vaut pas mieux que celui de Malebranche. Son hypothèse d’ailleurs, qui suppose la coopération de deux principes, le moi et Dieu, vaut moins que celle de Fichte, lequel se tire d’affaire avec un seul principe. — C’est donc partager, au fond, la pensée de Kant qu’admettre un commerce réel des diverses consciences entre elles, par l’action des choses en soi, qui sont tour à tour actives et passives dans leurs rapports mutuels de causalité transcendante. En d’autres termes, les corps réels ou les choses en soi agissent les uns sur les autres, et par suite sur les consciences qui leur sont associées. Nous ne savons, il est vrai, jusque-là que fort peu de chose de la chose en soi. Elle existe, elle agit. Elle se distingue de l’objet représenté dans la conscience, parce qu’elle existe d’une manière permanente, tandis que la pensée que nous en avons est variable, incertaine ; parce qu’elle est indépendante de la conscience, et s’oppose par son identité numérique à la multiplicité des consciences. Avant de lui chercher d’autres déterminations, voyons si Kant a réussi à corriger la contradiction qui existe entre la causalité transcendante et la causalité immanente, pour ne pas parler des autres catégories, qui se prennent aussi dans les deux sens.

V. La causalité transcendante et la causalité immanente. Dans la critique de la raison pure, on ne voit nulle part que Kant ait le sentiment que l’hypothèse de la cause transcendante est en flagrante opposition avec la défense formelle, qu’il a faite dans l’Analytique, de donner aux catégories une application transcendantale. Mais il avait pleine conscience de cette contradiction, lorsqu’il écrivit la raison pratique. Il admet ici que la défense en question ne vaut que pour les catégories mathématiques, non pour les dynamiques. Il reconnaît l’usage transcendant de la catégorie de la causalité, et, grâce à l’intermédiaire de cette dernière, celui de la catégorie de la nécessité, à l’objet transcendant. Mais pourquoi n’en dit-il pas autant des catégories de la quantité et de la qualité ? Les successeurs immédiats de Kant, comme Schultze dans l’Anésidème, et récemment Kuno Fischer dans son exposition de la doctrine critique, ont bien compris la contradiction de la causalité transcendante et de la doctrine des catégories : et ils ont nié résolument la 1re . Pour nous, sans prétendre supprimer l’antagonisme des aspirations réalistes et des principes idéalistes de Kant, nous allons essayer de concilier la cause transcendante avec la causalité immanente admise par Kant et son école idéaliste. — D’après la loi fondamentale de la production (Grundsatz), ou, comme dit la 2e  édition de la Critique, d’après « la règle de la succession conformément à la loi de la causalité », tout phénomène doit avoir un antécédent déterminable dans le temps, et le suivre invariablement. Cela est vrai aussi bien des actes de la volonté, que des faits purement physiques. D’après la loi de la causalité immanente, chaque fait a donc sa raison suffisante dans le monde de l’expérience. Mais, en vertu de la doctrine du caractère intelligible, chaque fait a aussi sa raison suffisante dans une