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ANALYSES. — hartmann.Réalisme transcendantal.

de l’expérience, satisfaire à la fois par les deux dimensions superficielles aux exigences de la sensation, et, par la troisième, la profondeur, à celles de la pensée et du calcul : nous n’avons donc nulle raison de prêter à l’espace réel plus de dimensions que l’espace subjectif n’en comporte. « Nous sommes toujours ramenés à notre même alternative : ou il n’y a aucune connaissance, ou les formes essentielles de l’existence des choses en soi doivent être identiques aux formes essentielles de l’intuition et de la pensée. » L’ignorant le croit d’instinct : la métaphysique, qui reconnaît dans les choses l’action souveraine et partout présente de la raison, le panlogisme, est seul en état de justifier cet instinct. Il reste toujours possible, et c’est là le retranchement inexpugnable du scepticisme, que notre pensée soit dupe ici d’une invincible et suprême illusion.

VIII. critique de l’esthétique transcendantale. Pour établir les principes de réalisme transcendantal, qui viennent d’être exposés, il a fallu rejeter ou transformer les principes de l’Esthétique et de l’Analytique de Kant. Les Kantiens prétendent que ces deux théories reposent sur des preuves irréfutables. — Les antinomies en forment la démonstration indirecte. Mais M. de Hartmann s’est déjà occupé des antinomies, et croit en avoir définitivement fait justice dans son premier écrit « Sur la méthode dialectique (Ueber die dialectische Methode). » Quant à une démonstration directe du principe essentiel de l’Analytique, en vertu duquel il est interdit de faire un usage transcendant des catégories, nous ne la trouvons nulle part dans la critique. Kant se borne à invoquer l’origine a priori des catégories ; il ne prouve point par là qu’elles ne gouvernent pas la réalité aussi bien que la pensée. — Mais on veut surtout défendre la solidité, l’infaillibilité des raisonnements sur lesquels repose l’esthétique. Schopenhauer n’allait-il pas jusqu’à dire : « les preuves y sont tellement fortes et convaincantes, que je n’hésite pas à les ranger parmi les vérités inébranlables ? » (Du monde c. vol. et Repr., I, p. 518). C’est à démontrer le contraire, que M. de Hartmann consacre le dernier et non le moins curieux chapitre de son livre. Aussi bien que l’examen célèbre de la philosophie critique que Schopenhauer a joint à son grand ouvrage, cette discussion finale mérite d’être méditée par tous ceux qui s’intéressent à la discussion des théories kantiennes. Nous ne pouvons analyser dans le détail toutes les idées de ce chapitre : le lecteur français les trouvera reproduites en partie dans le chapitre sur la perception sensible de la philosophie de l’Inconscient (voir notre traduction chez Germer Baillière). Nous nous bornerons à en détacher quelques remarques saillantes. — Kant, selon M. de Hartmann, confond dans l’esthétique l’extension (Raumlichkeit) et l’espace. Aussi, dans sa réplique à Eberhard, est-il obligé de reconnaître que la dénomination d’à priori convient à la première, et non au second. — L’idée d’étendue est pour la conscience une pure abstraction ; l’idée d’espace, le résultat d’une combinaison de concepts. — Kant n’est pas plus heureux en soutenant que tous les