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à la nature de sa propre conscience. » La religion véritable n’a rien à craindre de la propagation de la science ; les mythologies et les métaphysiques ne sont que des explications de l’ordre et de la connexion des faits que présente le monde ; nul doute que depuis les temps préhistoriques ces explications aventureuses n’aient été perfectionnées par la critique scientifique. Pourquoi reculerait-on devant les nouveaux perfectionnements qui ne manqueraient pas de leur apporter de nouveaux progrès de la science ? Il faut reconnaître avec Lubbock qu’en dehors de la science il ne peut y avoir de religion véritable. Mais, dira-t-on, d’après le système de l’évolution, et en vertu de cette loi que l’individu traverse les stades divers par lesquels est passée la race, c’est par les vieilles croyances de l’humanité que doit commencer l’éducation, non par ses dernières découvertes. Si cette objection était fondée, il faudrait commencer une éducation par l’apprentissage des arts préhistoriques et, dans l’enseignement de la science, on ferait passer l’élève par le système de Copernic, par les systèmes de Ptolémée et d’Eudoxe avant de lui exposer celui de Galilée : l’alchimie précéderait dans nos programmes la chimie moderne. L’histoire ne se répète pas ; elle se corrige, elle marche en avant : l’éducation doit être progressive comme l’histoire. Donc l’enseignement dans l’école sera scientifique, exclusivement scientifique. La science suffira à la morale ; car celle-ci est le patrimoine commun de l’humanité, partout où se rencontrent de suffisantes lumières. Elle suffira à l’art ; car l’imagination trouve un aliment plus abondant dans les conceptions grandioses de la science que dans les mesquines inventions de la fable. Elle suffira enfin à l’industrie, qui de tout temps a été son œuvre propre ; mais de plus elle réussira seule à organiser les divers éléments de la production en apaisant les esprits, en les mettant en garde contre des solutions artificielles, hâtives, révolutionnaires, en fondant l’harmonie durable du capital et du travail. En vain on prétend qu’avant d’instruire le pauvre, il faut le nourrir ; sans songer le moins du monde à nier la beauté du don volontaire, l’auteur n’y voit qu’un palliatif transitoire à des maux profonds, et la vraie solution au problème de la misère consiste, selon lui, à donner au misérable un moyen de se secourir lui-même, en lui conférant une capacité, une valeur sociale. L’association est encore un fécond instrument d’affranchissement ; mais outre qu’elle suppose déjà chez ceux qui s’associent une certaine culture, elle est dangereuse au dernier point quand cette culture est insuffisante. « Seule une connaissance exacte des lois imprescriptibles de l’histoire et de la vie sociale peut faire voir à l’ouvrier de véritables aberrations de l’esprit dans les théories qui nient les droits de la propriété et de la famille, droits dont la jouissance est le but de ses efforts. » C’est folie de la part des socialistes que de réclamer l’intervention de l’état : « nous croyons l’intervention de l’état funeste et contraire au but qu’on se propose d’atteindre, dès qu’elle entre dans les sphères qui appartiennent à l’activité privée ; et elle y entrerait par les concessions de propriétés et de capitaux, rêves de certains socialistes. »