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ANALYSES. — angiulli.La Pedagogia.

L’organisation politique comme l’organisation économique et industrielle ne peut se passer de la science, car l’égalité juridique doit être complétée par l’égalité intellectuelle pour n’être pas un vain nom. En résumé « nous ne dirons pas avec Leibniz : Donnez-nous l’éducation et nous changerons en moins d’un siècle la face de l’Europe, nous dirons seulement que s’il y a en notre pouvoir un moyen d’obtenir une transformation et une amélioration relatives, progressives, variées dans les multiples activités des individus et des peuples, ce pouvoir nous est donné par la science et par l’éducation scientifique. » M. Angiulli trace alors le plan des études élémentaires formant le minimum d’instruction que chaque homme doit recevoir suivant lui, et il termine en réclamant l’intervention de l’état pour la fondation et l’entretien de nombreuses écoles normales, dont les élèves iront remplir les chaires créées jusque dans les plus humbles communes.

La famille et l’éducation : tel est le titre de la troisième partie. L’intérieur de la famille est un domaine interdit à l’état. Or, si la famille est soustraite à son action, les générations futures lui échappent et il ne peut accomplir sa mission civilisatrice. Car la mère exerce sur l’enfant une influence souveraine : physique, intellectuelle, morale, esthétique, religieuse. « De la mère l’homme reçoit le premier aliment, la première sensation, la première parole, la première idée, toute cette série d’éléments physiques et psychiques qui forment l’ensemble complexe de son activité mentale… La douceur dans l’expression des sentiments, la patience, la constance, la diligence, l’amour de l’ordre, le sens du devoir et du sacrifice, tout cela s’insinue de l’âme de la mère dans celle de l’enfant avec les premières impressions de la vue et de l’ouïe. On dit souvent que l’avenir d’un peuple se décide sur les bancs de l’école ; nous dirions plutôt que cet avenir repose sur les genoux des mères. » Mais l’état peut s’assurer le concours de cette précieuse auxiliaire : la femme peut recevoir par l’école, l’empreinte de la culture scientifique. « Il est donc temps que l’État (et ici on voit comment il pénétrera, bien qu’indirectement, au cœur de la famille) consacre tous ses soins à l’instruction générale de la femme, » dût-il la lui imposer par la loi. Il faut qu’elle reçoive des notions générales concernant l’ordre du monde, l’organisation humaine, l’histoire et la psychologie. C’est ainsi seulement qu’elle sera à la hauteur de ses devoirs d’éducatrice et contribuera pour sa part à mettre l’harmonie là où jusqu’ici elle avait apporté la contradiction et la lutte.

Mais est-il vrai que la science ait le pouvoir de transformer ainsi les cœurs ? Herbert Spencer, dans son Introduction à l’étude de la sociologie, combat comme opposée aux faits et absurde à priori l’opinion qui fait dépendre du progrès de la culture intellectuelle le progrès de la culture morale. Les connaissances scientifiques n’influent en rien sur l’action. « Quelle connexion peut-on imaginer qu’il y ait entre apprendre à lire, à écrire, à suivre les opérations de l’arithmétique, entre discerner les différents pays sur une carte et acquérir un sens plus élevé