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ANALYSES. — angiulli.La Pedagogia.

dence intellectuelle, et chez l’homme intellectuellement dégradé, il n’y a plus à compter que sur une moralité basse. » Il y a, du reste, en faveur de cette primauté de l’intelligence une raison décisive que M. Angiulli n’omet pas de faire valoir, c’est que les impulsions qui dans l’humanité sont dites instinctives ont pour une grande partie été un jour plus ou moins conscientes, l’instinct n’étant dans ce cas, d’après Spencer lui-même, que de l’intelligence organisée.

Il se croit donc dès lors autorisé à affirmer que l’éducation doit porter son effet principal sur la culture des intelligences et la propagation des idées vraies. Il ne se fait pas d’illusion sur le pouvoir de l’éducation ; il sait que l’homme naît doué d’une certaine constitution organique, dont les prédéterminations imposent aux efforts des éducateurs une limite infranchissable. Mais ici encore, sinon dans l’individu, du moins dans les générations successives, la science des lois de l’hérédité, la diffusion des règles de l’hygiène, la connaissance des funestes effets du vice peuvent présenter un recours suprême et reculer de plus en plus la limite que la constitution organique oppose aux efforts de la culture morale. Tout cet ordre de progrès peut être accompli par l’intervention de l’état dans l’instruction de l’homme et surtout de la femme, tandis que l’état ne peut rien sur le sentiment dont on ne conteste pas d’ailleurs l’importance au point de vue de l’éducation domestique.

En résumé, un être ne peut prospérer que s’il réussit à s’adapter aux conditions de son milieu physique, s’il s’agit d’un être physique, physique et social s’il s’agit d’un être moral. Nul ne peut s’adapter à ces conditions s’il ne les connaît ; donc la science est le salut des individus, et l’enseignement de la science, le souverain instrument de progrès pour les nations.

Il nous a paru plus utile d’analyser cet ouvrage que de l’apprécier. Donnons seulement quelques indications sur la place qu’occupe M. Angiulli dans l’ensemble de la philosophie expérimentale. Il se rattache évidemment à Comte et à Spencer, et avec eux il combat la philosophie de l’absolu. Mais il se sépare d’eux sur une question capitale, l’avenir de la métaphysique. Son opinion à ce sujet se trouve exposée dans un volume édité à Naples en 1869 sous le titre : la Filosofia e la ricerca positiva. Nous nous bornons à en traduire le passage le plus significatif. « Il règne une équivoque sur l’emploi du mot métaphysique. Cette équivoque commence à se dissiper et nous voyons de divers côtés s’établir le concept d’une métaphysique scientifique et positive, c’est-à-dire prenant pour fondement la méthode expérimentale. Il faut donc distinguer la vieille métaphysique, entendue comme construction à priori, et la métaphysique nouvelle ou scientifique. Celle-ci, simple recherche au sujet des concepts métaphysiques, ne pourra être rejetée par les positivistes qui poussent l’étude des faits jusqu’à l’investigation des causes et des relations universelles, jusqu’aux conceptions cosmiques, dont le caractère métaphysique n’est pas douteux. Nous nous bornons, pourront-ils dire, à rechercher les causes secondes ; nous renonçons à la