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dique trimestriel, consacré à l’étude des grands organismes religieux » aryens ou sémitiques. M. André Lefèvre recueille sous le titre de Religions et mythologies comparées (Leroux) des recherches critiques sur la naissance, l’évolution et les formes diverses des religions. Enfin M. Jules Baissac publie sur les Origines de la Religion un ouvrage considérable qui témoigne chez l’auteur d’une érudition peu commune. Les littératures classiques, l’hébreu, les récentes découvertes archéologiques, les divers mémoires ou travaux d’ensemble publiés en France et à l’étranger paraissent lui être familiers. Il semble cependant avoir fait beaucoup plus usage des documents sémitiques que de ceux qui concernent les religions de l’Inde et de l’Iran.

La thèse soutenue par M. Baissac est des plus hasardeuses. Il veut ramener l’origine de la religion à un fait unique : l’impression produite sur l’esprit de l’homme par les forces reproductrices. L’humanité a eu, à l’origine, une période purement animale ; lorsqu’elle en est sortie, elle a traversé « un état social hétaïrique » qu’on aurait tort de juger avec nos opinions morales courantes et de taxer de dépravation. Les cultes primordiaux ont eu pour base la préoccupation exclusive des fonctions génératrices, au sens le plus large, telles qu’elles se manifestent dans la nature et chez tous les êtres animés. Les grottes et les tumulus, qui jouent un grand rôle dans les religions primitives, sont un symbole « du sein maternel » et de « la matrice universelle. » La légende de la grotte de Bethléem est, aux yeux de l’auteur, un souvenir du vieux culte, « parce qu’il n’est pas admissible qu’une famille exerçant une profession ait vécu, au temps d’Auguste, à la manière des Troglodytes. »

Les érudits seuls peuvent discuter dans le détail les assertions et interprétations de M. Baissac. Ce travail ne serait pas à sa place ici. Il ne s’agissait pour nous que de faire connaître l’hypothèse générale émise par l’auteur ; mais si cette hypothèse explique un grand nombre de croyances, d’institutions et de pratiques, elle est loin de les expliquer toutes. Pourquoi l’auteur veut-il que les conceptions religieuses de l’humanité soient toutes sorties d’un seul et même fait, d’une seule et unique préoccupation ? Au contraire, ceux qui de nos jours ont étudié ces problèmes sans esprit de système, montrent combien les idées religieuses varient suivant la race, le climat, le sol, etc. En tout cas, le grand travail d’information qui se poursuit sur ces questions est trop peu avancé pour que toute tentative de synthèse définitive ne doive pas être considérée comme prématurée.