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beurier. — philosophie de m. renouvier

sentation ; et sujets ce même représenté en tant que jugé pouvoir exister, être donna, indépendamment de la représentation propre et actuelle où il parait comme phénomène. » Ainsi la table sur laquelle j’écris est un sujet en tant que je la considère comme un ensemble de phénomènes capables de se présenter à ma connaissance ou à celle d’un autre : alors ses propriétés sont subjectives. Mais en tant qu’elle m’apparaît intuitivement, elle est objet ; sa couleur que je perçois est objective ou encore, car M. Renouvier se sert également de ce nouveau terme qui me parait plus clair, elle est objectivée par le fait de ma représentation actuelle : je me donne alors le sujet en objet.

Je ne disconviens pas que cette façon de parler ne soit plus correcte et plus logique que celle de Kant : elle nous met mieux en garde contre l’idéalisme, mais je doute fort que l’auteur des Essais trouve des imitateurs, alors surtout que l’acception qu’il combat est passée des écrits philosophiques dans la langue littéraire. Ce qui est certain c’est que ces expressions, ainsi employées, rendent plus difficile l’intelligence de ses ouvrages, quand on n’est pas prévenu, et même quand on est averti[1].

Les représentations sont et elles sont tout ce qui est. Ce que nous nommons le moi n’est, comme le non-moi, qu’un ensemble de phénomènes envisagés objectivement, puis assemblés, constitués en un sujet unique durable : du je séparé de toute représentation, je ne puis rien dire ; cette prétendue substance n’est qu’une idole de théâtre. En résumé, du moment que je pose le fait, le phénomène, la chose représentée, ou, ce qui revient au même, la représentation, je pose le réel en soi, pour soi, si l’on veut bien entendre par ces mots dont on a tant abusé, non pas l’existence absolue, je ne sais ce que c’est, mais l’existence relative sous des conditions quelconques[2]. Que si l’on se sert du langage reçu dans les écoles, il n’y a pas de choses en soi.


Une telle proposition, qui est « le point fondamental de la méthode, » a besoin d’une plus ample démonstration. C’est ici que M. Renouvier introduit pour la première fois, cette loi de la quantité qui doit jouer un rôle considérable, prépondérant dans toute sa philosophie théorique. C’est l’arme avec laquelle il bat en brèche et

  1. Ainsi M. Renouvier parle de la valeur objective de la causalité et de la finalité qui ne peuvent cependant être conçues que dans des sujets. Psychologie rationnelle, I, 201. La première édition est ici plus claire.
  2. Ces formules et définitions sont tirées des premiers chapitre de la logique : je ne puis indiquer tous les renvois nécessaires, même lorsque je me sers des expressions de l’auteur.