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beurier. — philosophie de m. renouvier

contenter de ce résultat. L’infini, présumé connu, est la négation de la science ; l’infini, déclaré nul, est la négation de la réalité qui ne peut sortir du néant.

D’ailleurs, M. Renouvier admet l’immortalité, c’est-à-dire l’absence de limite dans l’avenir, c’est-à-dire l’infini a parte post, selon le langage de la scolastique. Comment ne pas admettre réciproquement l’infini a parte ante ? On nous dit en vain que l’avenir n’est pas réel, qu’il n’est que possible. Ce que je considère, c’est l’absence forcée et logique de la limite dans le futur, alors que cette même limite est déclarée contradictoire dans le passé. La vraie contradiction est dans cette double affirmation ; car enfin, faute de limites, l’avenir est un ensemble de réalités sans nombre, tout à la fois irreprésentable et affirmé dans son illimitation. Pourquoi le passé ne serait-il pas également un réel illimité, indéterminé, indéterminable ?

Je serais donc disposé à croire, contrairement à M. Renouvier, que le criticisme logique doit accepter, dans les antinomies kantiennes, non pas les thèses, mais les antithèses, à la condition toutefois qu’elles fussent formulées correctement. Il est clair, par exemple, que Kant a eu tort de poser une sorte de dilemme entre la spontanéité sans antécédents, qui est l’absence de toute loi, et le conditionnement absolu des phénomènes, qui supprime toute liberté. Il y a un moyen terme qui consiste à admettre que si rien ne vient de rien, toutes les choses ou quelques êtres, tout au moins, peuvent être doués, sans contradiction, de puissances diverses dont les effets ne sont pas prédéterminés, ainsi que l’établira M. Renouvier.

La relativité des connaissances, la nécessité des catégories, le caractère libre de la certitude et l’égale possibilité des futurs ambigus sont les dogmes fondamentaux du nouveau criticisme dans sa partie théorique et positive : je ne vois pas en quoi une absence de commencement des choses pourrait les infirmer.

IV

Le système des catégories de M. Renouvier.

L’application du principe du nombre à l’analyse de la représentation a décomposé le tout de la connaissance et par suite le tout de l’être en phénomènes à double face offrant deux éléments indissolublement unis : le représenté et le représentatif. Mais ces deux éléments qui ne se comprennent pas l’un sans l’autre ont eux-mêmes un caractère purement phénoménal.