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beurier. — philosophie de m. renouvier

ports se déterminent les uns en raison des autres. Par les lois et les fonctions nous nous élevons au-dessus du phénoménisme, ou du moins, et ceci n’est plus le phénoménisme ordinaire, le phénoménisme sensible et fragmentaire, nous passons dès phénomènes particuliers aux phénomènes généraux et constants, ou, en d’autres termes, aux êtres véritables, qui, envisagés dans leur ensemble, forment l’être, la relation universelle, l’ordre commun du monde et de la pensée. En face de cette conception, l’idole de la substance s’évanouit : la substance, si l’on veut bien attacher un sens à ce mot, ne peut être que loi ou fonction. Dans l’ordre total, l’homme est un ordre aussi distinct et aussi complet que le permet l’existence des lois plus générales[1].

Le principe de la connaissance est le phénomène et les fins de la connaissance sont les lois des phénomènes[2]. Voilà, pour l’auteur, deux résultats importants, mais deux résultats empiriques et empiriquement obtenus. Il faut maintenant examiner de plus près cette synthèse confuse qu’on appelle l’expérience et essayer de la résoudre analytiquement en des données générales irréductibles, ce qui équivaut, dit M. Renouvier, à poser un système de catégories. Dans toute relation établie par la pensée, une « matière » distincte est représentée : tel nombre, telle qualité, telle durée ; mais en même temps des formes générales et communes, la quantité, la qualité, le temps, affectent les représentations. Dénombrer ces rapports généraux, ces lois de toute connaissance possible, est une œuvre qui de tout temps s’est imposée à la philosophie : l’école sensualiste elle-même a toujours admis certaines facultés dont l’expérience fournit progressivement le contenu, mais qui anticipent elles-mêmes l’expérience (qu’on les place d’ailleurs dans l’âme ou dans l’organisme) puisqu’elles sont propres à porter dans l’objet connu l’acte et la forme de la connaissance[3]. Rien n’est pour nous qui ne soit aussi par nous. Si l’expérience est essentielle à toute représentation, logiquement elle est précédée de ce qui rend l’expérience possible. (Cette simple observation, dit M. Renouvier, résout la question si longtemps agitée des idées innées. La représentation est, elle porte

  1. M. Renouvier le définit comme être représentatif pris en lui-même, « une fonction de phénomènes à forme essentiellement objective (je préférerais objectivante), manifestée dans une sphère subjective externe, distincte de toute autre, qui est l’individu organique. » Log. gén. I, 162. Si l’on veut se reporter aux formules exposées plus haut, cette définition paraîtra claire. Dans le langage commun on dirait : « l’homme est une intelligence attachée à des organes. » La définition de M. Renouvier a le mérite et l’inconvénient de résumer tout un système.
  2. Logique générale. {{rom-maj|I|1, 180.
  3. Id, 186.