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lewes. — marche de la pensée moderne

était l’inconnu x, nécessaire à la spéculation à titre de postulat. L’idéalisme, rejetant ce postulat, déclara que cette matière était simplement la projection de l’esprit et que notre corps était l’objectivation de notre âme. La physiologie à son tour découvrit que tous les processus mentaux étaient (mathématiquement parlant) des fonctions de processus physiques, c’est-à-dire variant avec les différences de l’état des corps, et on déclara que cela suffisait pour bannir à tout jamais la conception d’une âme, si ce n’est comme un terme exprimant simplement certaines fonctions.

L’idéalisme et le matérialisme sapent également les fondements du dualisme. Nous ne parlerons pas ici des défauts des théories particulières idéalistes et matérialistes ; ils résultent principalement de défauts dans la méthode. Ne tenant pas suffisamment compte du fait élémentaire attesté par la conscience, à savoir que l’expérience exprime à la fois, des aspects physiques et mentaux et que partout un non-moi se trouve Hé d’une façon indissoluble au moi, un facteur objectif à un facteur subjectif, l’idéaliste réduit l’existence à un simple panorama d’états mentaux et le corps à un groupe dans ce panorama. Aussi ne peut-il pas expliquer d’une manière satisfaisante tous les phénomènes objectifs qui ne suivent pas absolument l’ordre de ses sensations, qui se manifestent dans une succession contraire à son attente et qu’il ne peut pas ranger dans l’ordre des états mentaux qu’il a antérieurement éprouvés. Il s’imagine que l’esprit prescrit l’ordre des choses, tandis que cet ordre n’est pas prescrit mais décrit par nous, décrit en termes de sensation, mais déterminé par les lois des choses. La genèse des phénomènes subjectifs est déterminée par l’action du cosmos sur notre sensibilité, et par la réaction de notre sensibilité. L’idéaliste néglige le fait évident que les formes mentales ou les lois de la pensée, par lesquelles le caractère des expériences particulières est déterminé, ont elles-mêmes été développées par une action et une réaction continuelles du cosmos et de notre âme, de même que les lois de l’action organique, par lesquelles le caractère des fonctions particulières est déterminé, ont été développées par une adaptation continue de l’organisme au milieu. On prétend que ces lois immanentes sont transcendantales, antérieures à toute action et réaction de ce genre.

Un exclusivisme semblable vicie la doctrine matérialiste. Négligeant le fait élémentaire que la sensation est liée d’une manière indissoluble à des processus considérés comme purement physiques parce qu’ils sont uniquement considérés sous leur aspect objectif, le matérialisme ne voit pas l’intervention des lois psychologiques dans la détermination des résultats physiologiques ; il espère réduire la