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lewes. — marche de la pensée moderne

du mouvement et que tous les processus physiques sont des mouvements, on peut nous demander : pourquoi le point de vue de la mécanique ne serait-il pas le point de vue rationnel du biologiste ? Nous répondrons : parce que la mécanique s’occupe des relations abstraites et traite des phénomènes produits sans rien dire des modes de la production, c’est-à-dire elle s’occupe de mouvements sans tenir compte de toutes les conditions dont ils dépendent. Chaque changement physique, s’il est exprimé en termes de physique, est un changement de position, et est déterminé par quelque changement antérieur de position. C’est un mouvement ayant une certaine rapidité et une certaine direction qui sont déterminées par la rapidité et la direction d’une force (une pression ou une tension) combinée avec les forces de résistance, c’est-à-dire les forces opposées. Il est évident qu’il faut tenir compte de la nature des forces agissantes ; c’est ce que la mécanique ne veut pas faire et c’est ce que fait la biologie. La mécanique fixe son attention sur l’arrangement reconnu des parties, de manière à ce que le jeu de l’organisme puisse être expliqué comme s’il s’agissait d’une machine, tel mouvement équilibrant tel autre. La biologie porte également son attention sur cet arrangement des parties, mais elle étudie aussi les conditions des changements moléculaires dans les parties, car c’est d’eux que l’arrangement dépend au point de vue dynamique. On peut définir les actions mécaniques en disant qu’elles sont l’agrandissement ou la diminution de l’angle formé par deux leviers ; mais on ne saurait définir de cette façon les actions chimiques, et encore moins les actions vitales et mentales.

Au point de vue physique l’organisme est un mécanisme et aussi longtemps que l’interprétation mécanique des phénomènes organiques se borne à exprimer les principes mécaniques compris dans les relations mécaniques, elle mérite d’être applaudie. Mais même au point de vue physique l’organisme est encore autre chose qu’un mécanisme, ou, puisque cette assertion peut être mal comprise, je dirai — ce que personne ne contestera — que l’organisme est un mécanisme d’une espèce toute particulière, différant sous de nombreux rapports essentiels de toutes les machines. Cette différence d’espèce entraîne une différence de conditions causales. En tant que les actions de ce mécanisme sont une conséquence de positions matérielles, ce sont des mouvements qui peuvent être exprimés en termes de mécanique ; mais en tant que ces actions dépendent de processus vitaux, on ne peut pas les exprimer en termes de mécanique. Les faits vitaux, surtout les faits de sensibilité, ont des facteurs qu’on ne peut ni apercevoir dans les machines ni exprimer en