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LES CONDITIONS
DES

HYPOTHÈSES SÉRIEUSES[1]


Le principe actif des découvertes est un acte spontané de la pensée, qui intervient entre l’observation et le raisonnement, et complète les manifestations de la puissance intellectuelle. Ce principe producteur de la science doit être dirigé pour être fécond. La vapeur d’eau qui s’élève des foyers d’une grande ville, à l’heure où les ménagères et les chefs de cuisine préparent les repas des habitants, est une force énorme, mais elle se dissipe en nuages légers qui ne produisent pas d’effet appréciable. Pour devenir une force utile au service de l’homme, il faut que la vapeur soit contenue dans des appareils déterminés. La faculté de conjecturer réclame également certaines conditions, pour devenir la force motrice du développement scientifique. Nous examinerons successivement ces conditions dans l’hypothèse elle-même, dans l’individu qui la conçoit, et enfin dans l’état général de la science.

La première condition qu’une hypothèse doit réaliser c’est d’être possible. La valeur d’une machine est déterminée par des essais pratiques ; on peut cependant, avant tout essai, lui reconnaître un défaut qui la rend impropre à sa destination. De même, le contrôle régulier des hypothèses se trouve dans l’examen des explications qu’elles fournissent ; il peut arriver cependant qu’en les considérant en elles-mêmes, et avant toute déduction de leurs conséquences, on puisse constater qu’elles sont inadmissibles.

Nous avons à examiner, en premier lieu, le cas d’un énoncé qui se trouve contraire aux données immédiates de la raison, ou à des vérités dûment démontrées. Les historiens de l’antiquité rapportent qu’Anaxagore, dans la prison où les Athéniens l’avaient enfermé, cherchait à résoudre le problème de la quadrature du cercle, c’est-à-

  1. Voir la Revue philosophique, Juillet et Août 1876.