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Alexander Main. — cause et effet

Ainsi M. Léon Dumont, qui jouissait d’une si grande autorité dans les questions philosophiques, a fait un usage impropre des deux mots : cause et effet, et des idées qui y correspondent (voyez Revue philosophique, Avril 1876, p. 353). Il dit en cet endroit : a L’habitude étant, comme nous l’avons montré, une accumulation de force, l’excitation n’est utile que pour fournir à l’organe ce qui lui manque encore pour l’exécution de l’acte. Quand il ne manque plus rien, l’excitation devient superflue et, dans ce cas, le fait peut survivre aux causes qui lui ont donné naissance. »

Il cite ensuite l’exemple du jeune idiot qui avait eu longtemps l’habitude « de compter les heures avec un. mouvement de la tête lorsqu’une horloge sonnait, » et qui dans la suite se mit à compter les heures de cette manière, quand l’horloge eut été éloignée. Or dans le cas de l’enfant, auquel il est fait allusion ici, on ne peut pas dire, à proprement parler, que l’horloge en sonnant ait été la cause de l’habitude de compter les coups par les mouvements de la tête ; la formation de cette habitude était certainement due à des changements effectués dans l’organisme de l’enfant, par l’idée suggérée au moyen de la sonnerie de l’horloge. L’habitude et les changements subsistent ou cessent ensemble — les changements à titre de cause, et l’habitude comme effet. La sonnerie de l’horloge, peut-on dire, a été la cause que l’idée de mouvoir la tête s’est présentée à cet enfant ; cette idée a produit certains changements dans le corps de l’idiot, qui à leur tour ont été la cause de l’habitude ; changements et habitude ont toujours été liés entre eux d’une façon indissoluble. Dire que cette habitude est restée quand l’horloge a cessé de sonner, cela ne prouve nullement qu’elle ait subsisté en l’absence de sa cause. En réalité, la cause de l’habitude se trouve dans « ces adaptations périodiques de l’organisme, » comme M. Dumont le soutient à juste titre ; mais elle ne se trouve nullement dans la sonnerie de l’horloge. L’habitude et ses causes ont été liées d’une façon inséparable depuis le commencement jusqu’à la fin, et rien ne peut être plus dangereux que la doctrine énoncée ici, à savoir : qu’un effet peut survivre à sa cause. Cette doctrine est absolument contraire à toute vraie philosophie et conduit à une confusion perpétuelle d’idées ainsi qu’à la falsification des faits. Dans le cas cité plus haut, si l’idiot a continué de mouvoir la tête après que l’horloge avait cessé de sonner, c’est une preuve positive que le mouvement de la tête n’était pas causé par la sonnerie, quoique cette dernière ait pu donner naissance à la véritable cause. L’effet aurait cessé au moment où la cause réelle, c’est-à-dire les adaptations périodiques de l’organisme auraient pris fin. La cause réelle du mouvement automatique