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ANALYSES. — h. spencer.Principles of Sociology.

ments simultanés d’intégration et de différenciation. Presque entièrement homogène tant qu’elle est petite, au fur et à mesure qu’elle grandit, elle présente des divisions et subdivisions de plus en plus nombreuses, de plus en plus marquées ; et cela jusqu’au moment, où, ayant atteint sa pleine maturité, elle va commencer à se dissoudre.

De part et d’autre, une plus grande complication de structure entraîne une plus grande variété de fonctions. Un vivant d’ordre infime n’a ni estomac, ni organe respiratoire, ni membres ; il exécute à la fois toutes ses fonctions par toutes les parties de son corps ; la « division du travail physiologique » est nulle en lui, ou à peu près ; nulle aussi la dépendance mutuelle des parties. Au contraire un animal d’un type supérieur a des organes nombreux et parfaitement distincts, accomplissant des fonctions bien déterminées : organes qui sont dans une étroite dépendance les uns des autres ; fonctions rigoureusement subordonnées entre elles. De même, dans une société rudimentaire, le travail n’est point divisé : Chaque membre pourvoit lui-même à tous ses besoins, est à la fois guerrier et chasseur, bâtit sa hutte et fabrique ses outils. Mais à mesure qu’avance l’organisation sociale, la communauté se divise en groupes de plus en plus distincts et en même temps de plus en plus solidaires, entre lesquels la besogne se répartit. Ceux-ci gouvernent, ceux-là veillent à la défense commune ; d’autres produisent, fabriquent, échangent. Chaque groupe dépend de tous les autres à ce point, que le moindre trouble survenu dans une fonction se fait sentir en toutes. Ainsi, les industries métallurgiques languissent si les mineurs chôment, etc.

L’analogie entre l’organisme animal et l’organisme social paraîtra plus étroite encore, si on réfléchit qu’en somme « tout organisme d’un volume appréciable est une véritable société, » un individu composé d’autres individus, un vivant composé d’unités ou monades vivantes. La biologie ne laisse point de doute à cet égard. Cela est vrai dans toute la série animale. « L’éponge, dit Huxley, est une sorte de cité sous-marine dont les membres sont rangés le long des rues de telle manière, que chacun puise aisément sa nourriture dans l’eau qui passe devant lui. » De même, les cellules qui composent le corps d’un vertébré supérieur, sont autant d’individus vivant d’une vie propre et trouvant leur aliment dans le sang.

Enfin, société ou animal, la vie de l’être collectif, de l’agrégat, si elle n’est pas violemment détruite, surpasse infiniment en durée la vie particulière de chaque individu ; mais inversement, la vie individuelle des unités composantes peut se prolonger un temps notable après la vie de l’agrégat, si celle-ci est brusquement supprimée. Le tourbillon vital renouvelle plusieurs fois, durant l’existence d’un animal, toutes, les monades ou cellules qui le constituent, exactement comme le temps fait, dans un état, succéder les générations aux générations, sans que l’identité nationale en soit atteinte, ni la vie publique compromise. Mais réciproquement, de même qu’une guerre, une invasion des bar-