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ANALYSES. — h. spencer.Principles of Sociology.

suite… Une société grandit de même et par l’accroissement de sa population et par la fusion de plusieurs groupes sociaux en un seul. De part et d’autre, la densité est en raison directe de la grandeur. Seulement, les sociétés ont un moyen de plus de s’agrandir, l’immigration ; mais en général, c’est là un facteur relativement peu important, et qui « ne modifie guère l’analogie. »

Les analogies de structure sont bien autrement nombreuses et saisissantes. Des deux côtés cette « intégration » est accompagnée d’une « différenciation » progressive, d’un « passage de l’homogène à l’hétérogène. » C’est une loi, qu’un agrégat plus vaste offre toujours une structure plus compliquée, une plus haute organisation. Presque nulle dans les vivants tout à fait rudimentaires « où l’on ne distingue pas même toujours un noyau, » l’organisation est à peu près nulle aussi dans telle horde errante de Fuégiens, qui ne connaît point d’autorité régulière. Il faut qu’un groupe compte au moins une centaine de membres pour commencer à offrir quelque chose comme un pouvoir régulateur. Ce pouvoir exerce d’abord toute espèce d’autorité à la fois. Le chef guerrier est en même temps médecin, devin, prêtre. Beaucoup plus tard seulement, quand, plusieurs groupes s’étant fondus de gré ou de force, il en est résulté une sorte de hiérarchie et la subordination de plusieurs chefs inférieurs à un chef suprême, apparaît, avec une plus grande complication gouvernementale, une certaine division des pouvoirs. Et en même temps que l’autorité se répartit entre les gouvernants, le travail se divise entre les gouvernés. Le groupe y gagne en cohésion, car à mesure que les fonctions (industrielles, commerciales, etc.), deviennent plus distinctes, les individus ou petits groupes d’individus qui les accomplissent dépendent plus étroitement les uns des autres. Entre le point de départ de cette évolution qui est le manque presque absolu d’organisation, et le point d’arrivée, qui est l’extrême cohésion d’un vaste tout très-compliqué, tous les degrés intermédiaires se rencontrent. Pour M. Spencer, à l’époque où chez nous les métiers étaient héréditaires dans les familles, et où une même famille, aidée à peine d’un ou deux apprentis, exerçait à elle seule toutes les opérations que comporte une industrie très-compliquée, la société où régnait cet état de choses, était comparable à certains organismes de transition où les fonctions du foie, par exemple, ne sont pas encore exécutées par un organe unique, aussi complexe que volumineux, mais bien par des glandes éparses, ou plutôt par des sacs glandulaires, dont chacun travaille isolément. — Tout le chapitre sur l’organisation progressive des sociétés (social structures), est plein de vues de ce genre, instructives à coup sûr et ingénieuses peut-être à l’excès. Seulement, vers la fin, l’auteur, voulant trop prouver, signale une dernière analogie sur laquelle nous appellerons son attention, il arrive, dit-il, et pour les organismes et pour les sociétés, que l’évolution individuelle ne reproduit pas exactement aujourd’hui l’évolution passée de la série. L’ordre d’apparition des organes peut n’être pas, dans la genèse de l’individu,