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et (le ne pas voir dans ses flancs tous les maux prêts à se déchaîner sur la société. On dirait qu’ils vont commettre une mauvaise action.

Heureusement pour l’honneur scientifique français, — il n’en pouvait d’ailleurs être autrement, — il s’est rencontré quelques hommes doués d’assez de pénétration dans l’esprit et d’indépendance dans le caractère, d’assez de science et de talent, pour juger la question de haut et se mettre au-dessus des préjugés d’école. Ils ont pris en main la cause de l’opprimé, et parmi ces hommes brille au premier rang Léon Dumont.

Léon Dumont naquit à Valenciennes en 1837, et il vient de mourir, dans toute la force de son talent, à Saint-Saulve, près Valenciennes, le 17 janvier 1877.

Il fit ses études au collège de sa ville natale, où il eut pour professeur de philosophie un homme modeste, mais instruit, M. Mathoré, qui s’inspirait des grands philosophes écossais, Reid et Dugald Stewart, plutôt que de l’école éclectique de Cousin. Léon Dumont fut pour lui un élève intime, un disciple, diraient les Allemands, qui ne se contentait point des leçons ordinaires et qui révéla tout de suite son goût pour les études philosophiques. Le milieu intellectuel où il grandissait alors était d’ailleurs modérément libéral, et les doctrines écossaises constituaient déjà un progrès sensible sur les tendances de son entourage, où les idées catholiques elles-mêmes pénétraient suffisamment pour avoir conservé assez tard une certaine influence sur son esprit.

C’est en s’initiant au mouvement intellectuel de l’Allemagne qu’il donna une nouvelle direction à ses idées et entra de plain-pied dans une sphère toute nouvelle, celle de la philosophie transformiste.

Il eut pour guide dans ses premières études allemandes le professeur d’allemand du collège de Valenciennes, aujourd’hui professeur à la faculté des lettres de Caen, Alexandre Büchner, frère du célèbre philosophe matérialiste de Darmstadt. M. Alexandre Büchner est resté pour lui jusqu’à ses derniers jours un ami intime et dévoué ; il l’a accompagné dans plusieurs voyages, notamment en Allemagne, en Hollande et en Espagne. C’est avec lui que Léon Dumont a publié son premier livre, la traduction de la Poétique ou Introduction à l’Esthétique de Jean-Paul Richter, précédée d’un essai sur Jean-Paul (2 vol. in-8, Paris, Durand).

Léon Dumont avait alors 24 ans. Bien que la philosophie sérieuse l’attirât déjà, elle ne le fixait point encore ; il était toujours dominé par les études littéraires ou plutôt artistiques, qui lui inspirèrent en 1864 une étude sur l’Origine et le développement de la poésie grecque (Revue de la Société académique de Valenciennes). Pour lui, en