Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, III.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
53
Alexander main. — une idole moderne.

couleurs) ; mais la nature de la couleur, ainsi que la perception que nous en avons, auraient dépendu, alors comme maintenant, du rapport qui existe entre la lumière et notre œil et non de ce postulat qu’il y a une multitude d’autres rapports possibles, mais indéterminés.

Toute cette argumentation pourrait paraître insignifiante, s’il n’était pas vrai qu’en lisant les traités et les articles composés par les meilleurs esprits sur des sujets philosophiques, on rencontre constamment des phrases qui impliquent cette croyance, et, dans certains cas remarquables, contiennent cette affirmation précise, — que le connu ne peut être prouvé qu’à l’aide de l’inconnu ; que le mystère n’est pas seulement un appel incessant à des explorations nouvelles, mais qu’il est le fondement même sur lequel repose notre croyance à la réalité des recherches déjà faites. Toutes les idoles de Bacon à la fois seraient moins nuisibles à la vraie recherche scientifique que ne peut le devenir cette seule, mais gigantesque illusion. La philosophie sera à jamais impossible, sinon comme système de bagatelles soigneusement élaborées, tant qu’on n’aura pas distinctement vu et solidement établi que les choses sont connues quand elles sont saisies, et saisies quand elles sont senties. La philosophie ne trouve point de lieu de repos avant qu’elle ait atteint la terre ferme de la sensation (en y comprenant la perception, comme dans toute sensation, à mon avis) ; mais une fois qu’elle a vraiment atteint ce point, elle est plantée sur un roc, et ne réclame pas un vaste monde de ténèbres et d’inconnu pour la soutenir.

Alexander Main.