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lement bien, et même mieux, dans l’hypothèse de l’unité spécifique.

Mais la conclusion monogéniste s’impose dès que l’on recourt aux considérations physiologiques, dès que l’on tient compte des phénomènes de reproduction et de filiation. Chez les plantes et chez les animaux, les unions sexuelles donnent lieu à des croisements depuis longtemps connus : on appelle métissage l’union de deux races d’une même espèce, et métis le produit de cette union ; hybridation l’union de deux espèces distinctes, et hybride le produit de cette union quand elle en donne. Or, comme le métissage et l’hybridation ne présentent pas les mêmes phénomènes, nous avons là un moyen de reconnaître si les groupes humains ne sont que des races d’une même espèce ou bien sont des espèces distinctes. Il suffit de chercher si les phénomènes qui accompagnent le croisement opéré entre groupes humains sont ceux qui caractérisent l’hybridation, ou simplement ceux du métissage. Dans le premier cas il faudra conclure que les divers groupes d’hommes sont autant d’espèces ; dans le second cas, que ce sont seulement différentes races d’une espèce unique.

Eh bien ! d’abord le croisement entre espèces, l’hybridation, est un fait extrêmement exceptionnel chez les végétaux, chez les animaux livrés à eux-mêmes ; dans les deux règnes, l’homme ne le produit que difficilement et entre un nombre d’espèces très-restreint. Quand il parvient à le produire, la fécondité est diminuée à peu près constamment et le plus souvent dans une proportion très-considérable. Le métissage, au contraire, ou croisement entre races, s’accomplit spontanément, et on le provoque sans la moindre difficulté ; les résultats en sont aussi certains que ceux de l’union entre individus de même race ; bien plus, dans beaucoup de cas, la fécondité s’accroît ou reparaît sous l’influence de ce croisement. — Cette opposition s’accentue encore chez les produits, chez les métis et les hybrides. Les métis sont toujours et indéfiniment féconds et entre eux et avec toutes les races de l’espèce. Les hybrides sont inféconds en général ; leur fécondité n’est jamais qu’accidentelle et très-restreinte, brusquement interrompue « soit par l’infécondité, soit par la variation désordonnée, soit par le retour sans atavisme ».

Cela posé, les groupes humains se comportent-ils en leurs croisements comme des races ou comme des espèces ? La réponse ne peut être douteuse : « en tout et partout le croisement entre groupes humains montre les phénomènes du métissage et jamais ceux de l’hybridation. » Donc, ces groupes ne sont que les races diverses d’une seule espèce humaine.

Est-il possible maintenant, sans sortir du domaine exclusivement scientifique et en s’en tenant à ce qu’enseignent l’expérience et l’observation, d’expliquer l’origine de notre espèce, son apparition sur le globe ? — Non, répond résolument M. de Quatrefages. Ce problème des origines est le même pour toutes les espèces animales et végétales ; mais pour toutes sans exception, il est scientifiquement insoluble. Qu’il