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ANALYSES. — a. de quatrefages.l’Espèce humaine.

paru ; mais du jour où l’époque glaciaire rendit cette région inhabitable, « la terre n’eut plus d’autochthones, elle ne fut peuplée que de colons… l’espèce humaine ne fut plus composée que de races, toutes plus ou moins différentes du premier modèle. »

Les races primaires une fois formées se croisent entre elles et donnent lieu à des races métisses. Celles-ci, quand elles parviennent à se consolider, à s’asseoir, peuvent jouer à leur tour le rôle de races primaires dans de nouveaux croisements. Ainsi s’est faite l’humanité actuelle. Mais ces continuels croisements, multipliés de jour en jour par la facilité croissante des communications, ne finiront-ils pas par aboutir à la fusion de toutes nos races d’aujourd’hui en une race unique, homogène, douée partout des mêmes aptitudes, régie par une civilisation commune ? L’auteur n’hésite pas à admettre que les différences de sang iront diminuant, que l’humanité de l’avenir offrira plus d’unité et de cohésion, et que le globe verra sans doute alors quelque civilisation dont les nôtres n’approchent pas ; mais il croit aussi que, pour être plus générale et plus diffuse, cette civilisation n’effacera jamais entièrement les différences dues aux milieux. « Tant qu’il y aura des pôles et un équateur, des continents et des îles, des montagnes et des plaines, il subsistera des races distinctes, des races supérieures et inférieures au point de vue physique, intellectuel et moral. »

Les plus anciens hommes qui aient, à notre connaissance, habité l’Europe étaient déjà divisés en races bien caractérisées. Nous pouvons l’affirmer sinon de l’homme tertiaire, qui n’a laissé que de faibles traces de son industrie et rien de lui-même, au moins de l’homme quaternaire, dont les ossements se trouvent partout associés à ceux des animaux ses contemporains. M. de Quatrefages reconnaît, d’après l’examen minutieux de ces ossements, six races humaines fossiles, savoir : deux races dolichocéphales (celles de Canstadt et de Cro-Magnon), et quatre plus ou moins brachycéphales. Nous ne pouvons le suivre dans les savantes descriptions ostéologiques dont il appuie cette classification. Pour ne relever dans ces chapitres que ce qui nous intéresse plus directement, nous dirons seulement que selon lui, même l’homme de Canstadt, malgré tout ce qu’on a dit de ses traits prétendus simiens, « a pu posséder toutes les qualités morales et intellectuelles compatibles avec son état social inférieur. » Quant à l’homme de Cro-Magnon, son crâne, remarquable par ses belles proportions, l’est encore plus, au témoignage de M. Broca, par sa capacité, qui est très-supérieure à la capacité moyenne des crânes européens actuels. Ghez ce sauvage des temps quaternaires, qui a lutté contre le mammouth avec ses armes de pierre, « nous trouvons réunis tous les signes craniologiques d’un développement intellectuel » supérieur peut-être à celui de la moyenne des Parisiens modernes[1]. Nul doute que cette race de chas-

  1. À supposer, bien entendu, qu’il y ait une relation constante entre le volume du cerveau et le développement intellectuel ; mais personne ne soutient plus que cette relation soit simple et constante. Tout ce qui est prouvé, c’est