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que science particulière son objet propre, la mathématique par exemple les notions de l’espace et du temps, la physique la notion de force, la chimie celle de la matière, la biologie celle de la vie, la philosophie a pour rôle de pénétrer et d’approfondir l’essence de ces concepts. » La science des nombres n’est point la philosophie pythagoricienne : les conceptions philosophiques de Démocrite, de Platon ou d’Aristote sont-elles davantage le corollaire de la physique ou de la dialectique ancienne ? L’idéalisme de Descartes et le substantialisme de Leibnitz procèdent des mêmes données positives : aujourd’hui encore, au-dessus de toute science de la nature ou de l’histoire, il y a place pour une interprétation finale, une construction systématique des faits et des idées, qui sera le panthéisme de Spinoza, le subjectivisme de Kant ou tout autre système. Philosopher, c’est donc interpréter le sens profond et caché de la réalité, c’est repenser en vue d’une synthèse supérieure ce qui a été pensé et conçu aux différents moments de chaque analyse ou synthèse particulière, c’est donc bien véritablement créer. Ce travail de création métaphysique, la philosophie le tente aidée des ressources que lui offre le reste des sciences, avec la rigueur dont elle est capable. De même que toutes les parties du système nerveux d’un vertébré convergent vers un organe central, le cerveau, dont elles reçoivent et auquel elles communiquent le mouvement vital, de même les sciences unies entre elles par divers ganglions se confondent dans un centre vivant et agissant qui leur communique l’impulsion autant qu’il la reçoit de ces auxiliaires. En ce sens la philosophie est le foyer spirituel de toute connaissance, le centre cérébral de la pensée humaine, centre animé d’une vie propre et chargé de fonctions supérieures.

Dans ce vaste organisme de la science universelle, à mesure qu’on se rapproche du centre vital se compliquent les rapports naturels des divers organes, et l’importance des questions croît avec leur complexité. Plus un problème est lié aux grands intérêts de l’humanité, plus aussi s’étendent loin ses racines dans le champ du savoir humain : réciproquement plus est considérable le nombre des sciences appelées à contribuer à la solution d’une question, plus celle-ci doit intéresser l’humanité entière. À ce compte les problèmes dont l’importance générale l’emporte sur tout le reste, sont évidemment ceux qui font appel au concours de toutes les sciences, à savoir les questions philosophiques. On voudrait que M. Horwicz, à cette occasion, nous eût donné une énumération même sommaire et incomplète de ces questions : ce serait là, croyons-nous, un utile tableau, bien propre à faire voir dans son ensemble le domaine spécial de la philosophie et les points de contact de’cette science avec les autres. Ce catalogue, cette « table raisonnée des matières » qui permettrait de s’orienter dans les recherches philosophiques, M. Horwicz ne l’indique même pas : travail bien digne cependant d’attirer l’attention de cet esprit pénétrant. Pourquoi encore M. Horwicz ne nous dit-il rien de la méthode propre à la résolution de ces problèmes transcendants ? Pourquoi, choisissant lui-même ses