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phe, pour les autres il l’est trop. Ceux-là trouvent qu’il s’embarrasse de trop de faits, qu’il se répand trop en étendue et ne pénètre pas assez en profondeur. Ceux-ci ne lui savent gré, au contraire, que de son érudition, et font bon marché de ses théories.

Il est possible que les uns et les autres aient raison, selon les cas, en ce qui concerne personnellement M. Spencer ; mais ces critiques n’atteignent pas sa méthode. C’est la méthode que nous défendons, non l’auteur. La méthode peut être bonne et l’auteur n’être pas irréprochable dans l’emploi qu’il en fait. On peut le trouver trop abondant, trop riche en menus détails, puis, parfois singulièrement prompt et hardi à conclure. On l’attaquera donc sur bien des points, et nul doute que son livre ne soulève d’innombrables critiques de détail. Mais quand ces critiques seraient justes dans tous les cas particuliers, cela ne prouverait rien contre la valeur générale de cette méthode à la fois inductive et déductive, expérimentale et rationnelle, qui est, à nos yeux, la véritable méthode philosophique, et que personne, en somme, n’a encore à notre connaissance pratiquée mieux que M. Spencer. Certes, elle est difficile à suivre sans écarts. Il est presque impossible à qui la suit de ne pas glisser à droite ou à gauche, de ne pas tomber ou dans les témérités de l’esprit de système et du raisonnement abstrait, ou au contraire dans un labyrinthe d’observations stériles, dans un chaos de menus faits recueillis sans ordre et juxtaposés sans lien. Mais qu’importe l’imperfection des premières tentatives ? Une chose nous paraît hors de doute, et la lutte tant de fois séculaire de l’empirisme et du rationalisme n’aurait pas été stérile, si elle avait eu pour résultat, comme il le semble, de faire comprendre cette vérité à un nombre de plus en plus grand de philosophes : C’est qu’il est également illusoire de prétendre philosopher en se passant de la raison ou en se passant de l’expérience ; qu’il est absolument nécessaire pour découvrir le secret des choses, de les observer avidement, d’interroger la nature, de porter jusqu’au scrupule le respect des faits, mais non moins nécessaire de croire à l’exigence d’un ordre dans les choses, à l’intelligibilité des faits-, bref, à l’accord fondamental du mécanisme de la nature avec les facultés et les exigences de notre esprit.

Mais revenons aux Principes de Sociologie.

II. — Passant des facteurs extrinsèques de l’évolution sociale aux facteurs originels intrinsèques, c’est-à-dire aux différentes influences qu’exercent sur la marche d’une société les divers caractères des individus qui la composent, l’auteur considère tour-à-tour l’influence de la constitution physique, l’influence de la sensibilité, les influences d’ordre intellectuel.

Au physique, les races inférieures diffèrent des races civilisées par la taille généralement plus petite (sans doute à cause de l’abstinence forcée, chronic innutrition) et par la structure, généralement moins régulière. Presque tous les sauvages (et l’homme préhistorique semble avoir offert les mêmes caractères) ont les gambes grêles, le crâne petit, l’appareil