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ANALYSESgrant allen. — Physiological Aesthetics.

tandis que le sens de la vue donne naissance à trois, qui sont la peinture, la sculpture et l’architecture. Peut-être une revue plus exacte rétablirait-elle l’équilibre, car d’une part si les sons musicaux que la nature produit en dehors de l’homme sont rares, la fréquence avec laquelle la voix humaine si riche d’harmoniques retentit à nos oreilles ne doit pas être oubliée ; et d’autre part la danse avec toutes les manifestations du mouvement rhythmé qui en dépendent, la poésie avec toutes les cadences de la voix qui s’y rattachent, dès que la parole devient quelque peu soutenue, comme dans l’éloquence, ne doivent-elles pas compter au nombre des arts qui ont le plaisir acoustique pour fondement ?

Les éléments idéaux se mêlent en forte proportion aux éléments sensoriels que nous venons de parcourir. Nous retrouvons en cet endroit l’idée déjà critiquée plus haut qu’une combinaison d’éléments représentatifs n’est esthétique qu’à la condition de ne tendre à aucun but utile : les combinaisons scientifiques et les ajustements mécaniques peuvent frapper d’admiration celui qui envisage leur exacte adaptation à la fin désirée ; le charme esthétique en est absent. Tout ce qui n’est pas conçu ou construit expressément en vue d’un but esthétique est dépourvu de beauté. On a vu que cette séparation absolue entre l’activité pratique et l’activité esthétique nous paraît inexacte. Partout où la pensée humaine met dans son œuvre un surcroît d’ordre et de grandeur, elle lui imprime à notre avis le cachet de la beauté. Mais sans revenir sur ce débat, nous aimons mieux signaler l’heureuse application que l’auteur fait de sa loi à l’intelligence elle-même. La pensée suivant lui ébauche toujours l’acte qu’elle se représente, et la perception de l’objet qu’elle imagine tend toujours à se réaliser. Il s’ensuit donc que les effets qui seraient produits sur le sens sont produits sur l’intelligence. Le plaisir esthétique est pour les centres supérieurs ce qu’il est pour les centres inférieurs, une dépense normale, et ainsi de la douleur qui est dans les deux cas une dépense excessive.

Nous sommes maintenant en possession de tous les éléments isolés de l’émotion esthétique. Voyons de quelle façon ils entrent comme matériaux dans les principales œuvres d’art. Ce sera là, dit l’auteur, une vérification de l’analyse précédente.

Cette seconde partie nous paraît moins originale que la première. D’abord, au lieu de nous donner une véritable synthèse, c’est encore une analyse que M. Grant Allen nous présente. Par exemple il nous apprend que la peinture se sert de cinq éléments principaux qui sont : 1° les plaisirs sensibles de forme et de couleur ; 2° les plaisirs sensibles idéaux de douceur, d’harmonie, de froid, de chaud, de bien-être ; 3° les plaisirs émotionnels idéaux des divers sentiments ; 4° le plaisir intellectuel résultant de l’adroite imitation ; 5° l’intérêt dramatique. Il énumère alors les divers objets susceptibles de figurer dans un tableau. Tous ces développements risquent de fatiguer le lecteur qui les a déjà lus sous une autre forme dans la première partie de l’ouvrage. D’autant plus qu’une revue analogue recommence pour la sculpture et pour la