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ÉTUDES DE SOCIOLOGIE




LE GOUVERNEMENT CÉRÉMONIEL[1]


II

TROPHEES.

Le succès, à quelque genre qu’il appartienne, est une cause de satisfaction ; on estime fort les signes qui l’attestent, parce qu’ils procurent des applaudissements. Le sportsman, qui raconte ses succès quand l’occasion s’en présente, conserve le plus qu’il peut les dépouilles des animaux qu’il a tués à la chasse. Est-il pêcheur ? il fait de temps en temps des entailles sur le manche de sa canne pour montrer le nombre et la longueur des saumons qu’il a péchés, ou bien il garde dans un bocal la grande truite de la Tamise qu’il lui est arrivé de prendre. A-t-il couru le cerf ? vous verrez dans son salon ou dans sa salle à manger la tête de l’animal, et il la prise fort quand les cornes qui y sont attachées sont armées de beaucoup de « pointes ». S’il a eu du succès dans la chasse aux tigres, il estimera davantage les peaux de ces animaux qui attestent sa bravoure.

Des trophées de ce genre, même parmi nous, donnent à celui qui les possède de l’influence sur tous ceux qui l’entourent. Un voyageur qui a rapporté d’Afrique une paire de défenses d’éléphant ou la corne formidable d’un rhinocéros fait, à ceux qui se mettent en rapport avec lui, l’effet d’un homme de courage et de ressource, d’un homme avec lequel il ne faut pas plaisanter. Il acquiert donc une sorte d’autorité.

Naturellement, les hommes primitifs estiment encore davantage les trophées-animaux, eux qui mènent une vie déprédatrice et que

  1. Voir le numéro précédent de la Revue philosophique.