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dépit des seuils différentiels, pour lesquels il faut inventer une for- mule à part * ?

Je persiste donc à croire que la formule proposée par moi dans mon Étude psychophysique , conforme aux faits d'observation et d'expérience aussi bien et même mieux que celle de Fechner, irré- prochable sous le rapport mathématique et rationnel, débarrassée du seuil, élément superflu, est de beaucoup préférable, en atten- dant qu'une meilleure vienne la détrôner.

C'est une meilleure que je crois avoir trouvée dans la suite 2 .

1. Ce que Fechner appelle Unterschiedsmassformel.

2. Je ne puis m'empêcher, avant de clore cette discussion, d'en faire une application curieuse propre à mettre en pleine lumière combien la formule de Fechner, qui aura la gloire impérissable de servir désormais de point de départ à toute psychophysique future, est cependant, au fond, inconsislante. Dans le n° de mai 1877 de la Revue philosophique, M. Paul Janet a publié un article ingénieux intitulé : Une illusion d'optique interne. Il y recherche la cause d'un fait psychologique bien connu de tous ceux qui avancent en âge, c'est que les années nous paraissent s'écouler de plus en plus vite à mesure qu'on vieillit. Il essaye de formuler la loi du rapport du temps apparent au temps réel. Selon lui, o la durée apparente d'une certaine portion du temps dans la vie de chaque homme est proportionnelle à la durée totale de cette vie, » ou, plus exactement, est inversement proportionnelle à la durée de la vie précédemment écoulée. « Prenons, par exemple, continue-t-il, une année comme unité. Cette année, pour un enfant de dix ans, représente le dixième de son existence; mais, pour un homme de cinquante ans, cette même année ne sera plus qu'un cinquantième : elle paraîtra donc plus courte dans la pro- portion de 50 à 10, c'est-à-dire cinq fois plus courte. Un homme de 50 ans vit donc 5 fois plus vite qu'un enfant de 10 ans. » Sans s'en douter peut-être, M. Paul Janet a énoncé la même loi que celle qui, d'après Fechner, règle les rapports de la sensation et de l'excitation. L'effet sensible d'un accroisse- ment d'excitation est inversement proportionnel à l'excitation déjà agissante. Mettons en équation la formule. Représentant par a la durée apparente de la vie et par r sa durée réelle, nous écrirons que l'accroissement de la vie apparente da est d'un côté proportionnel à l'accroissement de la vie réelle dr,

mais inversement proportionnel à la vie écoulée ; donc : da~ k — ; de là,

par intégration : a = A; log r -- c. Pour déterminer la constante c, il faut faire une supposition. Il y a sans doute un moment dans la vie où le temps est évalué à sa valeur réelle. Admettons donc que ce soit à partir d'un certain âge pris pour unité, un an par exemple, que l'être vivant est en état d'ap précier le temps qui s'écoule pour lui, et posons qu'à ce moment, pour r = 1, on a : a = 1. Je note ici en passant que cette mise en équation ne répond pas encore complètement à toutes les exigences du calcul. Mais ce problème, qui n'est pas en soi susceptible d'être renfermé dans une formule absolument rationnelle, n'en est pas moins exactement le même que celui qui est traduit par la formule de Fechner. J'en reviens à la supposition faite. Elle conduit définitivement à la formule : a = log er k , e étant la base des logarithmes népé- riens. 11 suit de là que si r, la vie écoulée, est inférieur à un an, la vie appa- rente pourrait être plus grande que la vie réelle — cela dépend de k — et pourra, dans tous les cas, prendre une valeur négative. La seule conclusion à tirer de ce fait, c'est que la formule ne peut recevoir d'application que lorsque le sujet, ainsi que nous 1 avons dit, est déjà arrivé à un certain âge, et, sous la réserve de cette restriction, il n'y a pas d'inconvénient à l'adopter. Mais maintenant,

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