Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
REVUE PHILOSOPHIQUE

est troublé dans sa fonction ; il commence par ressentir de la gêne, et il finit par être blessé. Toutefois l’action délétère de l’obscurité ne se manifeste qu’à la longue. C’est ce qui se voit chez les animaux qui, tels que la taupe ou le protée, se sont habitués à une vie souterraine.

Ce que nous avons dit du sens de la température est également vrai de l’ouïe, du goût, de l’odorat. Seulement, ici comme là, les expériences n’ont pas établi d’une manière suffisante la loi de progression. Non pas que les résultats fournis par celles qui ont.pu être faites soient en contradiction avec elle ; ils sont surtout incomplets et peu concluants, tant à cause des difficultés qui entourent la matière que de l’imperfection des méthodes et des moyens auxquels jusqu’aujourd’hui on est forcé de recourir. Mais, quant aux lois de la dégradation et de la tension, elles ont, dans ces divers domaines, pleine vigueur, comme nous le montrerons tantôt brièvement et comme le prouve l’expérience journalière.

Voilà le fait qui met à néant la loi de Fechner entendue dans le sens rigoureux que veut lui donner son illustre inventeur. Je ne veux pas soutenir que mes lois soient définitives, mais elles sont plus rapprochées de la vérité, car elles rendent compte de tous les faits apportés par Fechner à l’appui de la sienne et expliquent encore d’autres observations que celle-ci est impuissante à éclaircir.

Je viens de parler de lumière la plus favorable, d’action normale de la sensibilité ; il est temps que je donne à cet égard les développements nécessaires.

Ce qui est caractéristique dans la conception que j’expose, c’est le rôle attribué à l’équilibre naturel, à l’équilibre statique et à l’équilibre dynamique[1].

L’organe est dans son état d’équilibre naturel quand il est soumis à cette somme particulière d’excitation qui lui permet d’exercer sa fonction avec le moins d’effort possible. L’équilibre statique est un équilibre momentané qui possède, mais à un degré moindre, les propriétés de l’équilibre naturel. Le sens de la température est propre à faire saisir ce que sont ces deux états, et en quoi ils se distinguent. On est, au point de vue de la température, dans un état d’équilibre quand on n’a ni chaud ni froid. Cet équilibre peut être un équilibre d’accommodation momentanée : c’est ainsi que, au bout de quelques instants, on est fait complètement à un bain trop chaud ou trop froid. Mais il peut être aussi un équilibre naturel : c’est ce qui a lieu quand le bain n’est ni trop chaud ni trop froid. On pourrait sup-

  1. Voir Théor. de la sens., p. 34 et suiv.