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ANALYSES ET COMPTES-RENDUS



J. Froschammer : Die Phantasie als Grundprincip des Weltprocesses. L’Imagination comme principe fondamental du développement du monde, 575 pages in-8o. Ackermann. Munich.

Quand les sciences positives se sont affranchies de la philosophie, il a semblé que pour la première fois l’homme, sortant enfin de lui-même, ouvrît les yeux sur le monde ; que pour la première fois, laissant les subtilités dialectiques, oubliant les abstractions stériles, il contemplât l’univers dans la simplicité de ses lois régulières, dans la fécondité de ses principes inépuisables. L’observation dé la réalité ayant remplacé les théories des individus, la vérité ne changeait plus ; le savant s’étant mis à écouter la nature au lieu de lui prêter ses propres paroles, il n’était plus juste de dire que l’homme fût la mesure de toutes choses ; et désormais les connaissances, comme des richesses acquises, en se transmettant s’accumulaient. Alors l’esprit, ébloui de ce spectacle extérieur, surpris et charmé par tout ce qu’il y découvrait, sans se demander ce qu’il mettait de sa propre beauté dans cette splendeur des choses, en vint à se mépriser lui-même ; il se pencha sur le dehors, regardant les phénomènes passer et s’amusant à leurs successions régulières. L’enfant, tout entier aux ombres qui se succèdent dans la chambre obscure, se soucie peu du mécanisme qui les fait apparaître. À quoi bon la métaphysique ? À quoi bon la recherche des causes ? N’y a-t-il pas de quoi satisfaire les plus ambitieux dans l’étude des lois ? A quoi bon les spéculations sur l’esprit, sur ses rapports avec la réalité ? N’y a-t-il pas de quoi remplir l’intelligence la plus vaste dans la richesse de la nature visible ? Pourquoi s’acharner à la poursuite de ce qui ne peut être connu, quand ce n’est pas trop de tous les efforts pour chercher la vérité qui peut être atteinte ? Faust, le dos tourné au soleil, n’éprouve pas le besoin de le regarder en face : il se distrait à tous les jeux de la lumière réfléchie, avec des lueurs d’arc-en-ciel tour à tour brillantes ou pâles, dans les flots de la cascade jaillissante, dans les éblouissements de l’écume argentée, et il s’écrie : « Ô soleil, reste ainsi derrière moi ; j’ai là l’image de tous les efforts de l’homme ; la vie n’est qu’un reflet lumineux. » Ces paroles de Faust pourraient