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que lui attribue M. Richet ? Pour la justifier, M. Richet veut l’étendre à un résultat de ses recherches sur la sensation, l’emmagasinement, des excitations. L’analogie est encore plus lointaine ; assurément, la phosphorescence ressemble davantage à la mémoire. M. Richet a prouvé seulement qu’on pouvait être encore moins précis que M. Luys.

12° Au fond du débat, il y a, selon M. Richet, une question de méthode. Il oppose la méthode expérimentale et la « méthode logique », celle-ci pratiquée par « les logiciens qui dédaignent la méthode expérimentale et les résultats de cette méthode », l’autre, seule condition du progrès. — Réponse : L’antithèse serait complète si à l’école logique qui dédaigne l’expérience M. Richet avait opposé l’école expérimentale qui dédaigne la logique. Il y a seulement cette différence entre elles que, si la seconde existe malheureusement, et au grand détriment du progrès scientifique, la première n’existe pas, par la même raison qui exclut de la réalité le carré rond ; qui dédaigne l’expérience n’est pas un logicien, mais un métaphysicien intempérant, un aprioriste exclusif ; il y a longtemps que l’expérience a droit de cité dans la logique, et qui se réclame de la logique se réclame de Descartes, de Bacon, de Stuart Mill, de Renouvier, et non pas de Platon ou de Hegel. Il serait regrettable que le mot logicien devint un terme de mépris dans la bouche des amis de la méthode expérimentale : la logique — que M. Richet me permette de le lui dire — est un peu comme Nicolas Boileau : en mal parler porte malheur.

Mais peut-être M. Richet, qui prend le conditionnement pour l’analogie, une conclusion pour un raisonnement, et qui croit que l’on est conduit aux axiomes, appelle-t-il logiciens ceux que l’on nomme généralement des métaphysiciens. Nous le croyons volontiers. En ce cas, nous lui demanderons comment il a pu reconnaître un apriorisme à outrance et un souverain dédain pour l’expérience dans un travail qui a pour but unique de rétablir, contre certaines confusions et certains empiétements, la distinction, faite avant nous, des quatre sciences expérimentales relatives à l’homme : la psychologie, l’anatomie, la physiologie, la psycho-physiologie ; dans un travail dont les conclusions peuvent se résumer en deux propositions : 1° la physiologie cérébrale et la psycho-physiologie sont deux études distinctes ; 2° la psycho-physiologie étant la synthèse de la physiologie cérébrale et de la psychologie, il faut, pour la faire, savoir au préalable la physiologie cérébrale et la psychologie, de même que, pour faire la physiologie, il faut savoir l’anatomie. À ces deux thèses, ajoutons-en une troisième, qui était impliquée dans toute la discussion : pour faire une quelconque de ces quatre sciences, il faut raisonner juste, c’est-à-dire savoir et appliquer la logique, ou bien être logicien d’instinct. Défendre les droits de la psychologie comme science indépendante, non supérieure aux autres, et ceux de la logique comme science de sciences, science ou art suprême, est-ce dédaigner l’expérience ? Distinguer deux sciences dans ce que l’on appelle la physiologie céré-