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Un exemple instructif se présente ensuite. Je veux parler de l’usage qui consiste à porter des rameaux verts en signe de paix, comme acte de propitiation, et comme cérémonie religieuse. Comme signe de paix, la coutume se rencontre chez les Araucaniens, les Australiens, les Tasmaniens, les peuplades de la Nouvelle-Guinée, de la Nouvelle-Calédonie, aux îles Sandwich, à Tahiti, aux îles Samoa, à la Nouvelle-Zélande. Les Hébreux se servaient aussi de branches d’arbre pour obtenir la permission de s’approcher (II Macch. XIV. 4). Quelquefois nous trouvons le même usage employé non plus pour signifier la paix, mais la soumission. « Les hommes et les enfants, dit Cieza, qui parle des Péruviens, sortirent tenant des rameaux verts et des palmes pour demander merci. » Chez les Grecs, le suppliant portait une branche d’olivier. Nous voyons dans les peintures murales des anciens Egyptiens porter des palmes, dans des processions funéraires, pour gagner la faveur du mort ; et de nos jours on trouve fréquemment en Égypte dans un cimetière musulman « des palmes entrelacées gravées sur les tombeaux. » Dans un passage de Wallis relatif aux Tahitiens, nous voyons cet usage se transformer en observance religieuse : on avait laissé une flamme flotter sur le rivage, les naturels en eurent peur ; ils s’approchèrent tenant des rameaux verts et apportant de petits cochons qu’ils déposèrent aux pieds de la perche. Les rameaux d’arbres jouaient un rôle dans le culte en Orient, ce qui le prouve c’est la prescription du Lévitique (XXII-40) : « Vous prendrez des fruits d’un bel arbre, des branches de palme, et vous vous réjouirez devant le Seigneur. » Nous avons une confirmation de cette preuve dans la description que l’Apocalypse nous fait des élus dans le ciel : « ils se tiennent devant le trône, des palmes à la main. » (Apoc. VII-9.) L’explication est facile à trouver, dès que nous tenons la clef. Les récits d’un grand nombre de voyageurs font bien ressortir le fait que l’acte de déposer les armes quand on s’approche d’étrangers est censé signifier des intentions pacifiques : évidemment c’est parce que cet acte est la négation d’intentions opposées. Chez les Caffres, dit Bawror, « un messager de paix se reconnaît à ce qu’il dépose sa zagaie ou sa lance à terre à deux cents pas de ceux vers qui il est envoyé, et à ce qu’il s’avance de là les bras étendus » : geste qui a évidemment pour but de montrer qu’il n’a point d’arme cachée. Mais comment montrer qu’on n’a point d’arme quand on est trop oin pour que les armes, quand on en a, soient visibles ? Simplement en portant d’autres choses qui sont visibles ; et les rameaux couverts de feuillage sont les objets les plus agréables et les plus convenables pour cela. Nous avons une vérification sous la main. Les Tasmaniens avaient un moyen pour tromper ceux qui les croyaient sans