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l’égoïsme est la seule doctrine morale qui se fonde sur l’observation psychologique. M. Barratt reconnaît que nous pouvons désirer autre chose que le plaisir, la vertu par exemple ; mais c’est qu’alors la vertu, désirée d’abord comme moyen, l’a été peu à peu pour elle-même, en conséquence d’une association où l’un des deux termes, le plaisir, a cessé d’être présent à l’esprit. — Cette remarque, qui joue un si grand rôle dans les ouvrages des utilitaires anglais, depuis Hartley, M. Sidgwick n’a pas manqué de la reproduire ; elle lui paraît même fondée, et l’on ne s’explique pas très-bien qu’il n’en tire pas la même conclusion que M. Barratt. Quant à nous, nous déclarons cette prétendue association impossible, et nous pensons que, sur ce point, les arguments qu’a développés M. le professeur Flint (Mind, juillet 1876) n’admettent pas de réplique.

M. Barratt estime encore que les difficultés qui sont inhérentes au calcul des plaisirs et des peines, et que M. Sidgwick a signalées avec une si rare pénétration, ne prouvent rien contre la vérité du principe égoïste considéré en lui-même. Pourtant un système de morale qui propose à l’activité une fin indéterminable ne saurait présenter un caractère vraiment scientifique ; M. Sidgwick n’a pas voulu établir autre chose, et, à notre avis, il l’a fait de manière à décourager toute nouvelle tentative. On peut, il est vrai, répondre que les principes de l’intuitionisme et de l’utilitarisme ne sont pas susceptibles d’une détermination plus rigoureuse ; c’est ce qu’il nous reste à examiner.

L. Carrau.
(La fin prochainement.)