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tique ordinairement la circoncision ne sont point circoncises quand elles ne sont point subordonnées. Rohlfs cite des tribus berbères du Maroc qui portent ce caractère, et ajoute : « Ces tribus incirconcises habitent les montagnes du Rif… Tous les montagnards du Rif mangent du sanglier, en dépit des prescriptions du Coran. »


Les mutilations qui entraînent perte de chair, d’os, de peau ou de poils, ne sont pas les seules dont nous ayons à parler ; il y en a d’autres qui n’entraînent pas une soustraction d’une partie du corps, ou du moins une soustraction permanente. Nous pouvons citer d’abord celle qui consiste dans le sacrifice d’une partie liquide du corps.

L’effusion de sang en tant que mutilation a une origine qui ressemble à celle des autres mutilations. Si nous n’avions pas vu que certaines tribus non civilisées, les Samoyèdes par exemple, boivent le sang des animaux tout chaud, et que, chez certains cannibales de nos jours, les Fidjiens par exemple, on boit le sang des victimes humaines encore vivantes, on ne pourrait pas croire que la cérémonie qui consiste à offrir du sang à un esprit et à un dieu dérive de l’effusion du sang d’un ennemi vaincu. Mais, lorsqu’au récit de ces horreurs nous ajoutons le récit d’horreurs analogues que les sauvages commettent, celles par exemple qui sont en usage chez les Cafres Amapondas, où « le chef régnant, en prenant le pouvoir, doit se baigner dans le sang d’un proche parent, le plus ordinairement d’un frère, qu’on met à mort en cette occasion » ; enfin si nous admettons qu’avant les débuts de la civilisation les goûts et les usages sanguinaires, aujourd’hui exceptionnels, s’étendaient probablement à tout le monde, il nous est permis de croire que la boisson sanglante du cannibale vainqueur a donné naissance à divers genres d’offrandes de sang, en tout cas à celle du sang tiré des victimes immolées. Peut-être faudrait-il expliquer de la sorte des sacrifices de sang tiré de personnes vivantes ; mais ceux qu’on ne peut expliquer ainsi s’expliquent à titre de conséquences d’un usage très-répandu qui consiste en un pacte d’alliance sacrée entraînant des obligations réciproques entre deux personnes vivantes, pacte qui se conclut par l’échange mutuel qu’elles font de leur sang ; l’idée qui en dérive, c’est que les personnes qui donnent un peu de leur sang à l’esprit de l’homme juste mort et errant dans le voisinage contractent avec lui une union qui d’une part implique une soumission et de l’autre des dispositions amicales.

Cette hypothèse nous fournit un moyen d’expliquer pourquoi l’on trouve en tant d’endroits des rites funèbres qui consistent à verser volontairement son propre sang, et ce n’est pas seulement chez les