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périodiques. — Vierteljahrssdirift.

Hobbes dans ses doctrines logiques et morales. Locke tient tête moins résolument que Hobbes au sens commun, et cela explique le désaccord souvent plus apparent que réel de leurs vues philosophiques. Sans doute, Locke est décidément en politique pour le régime constitutionnel, tandis que Hobbes soutient énergiquement le gouvernement absolu au nom de la logique et de l’intérêt général. Mais on retrouve chez tous deux, par exemple, la distinction fondamentale de la science et de l’expérience, c’est-à-dire de la connaissance théorique et de la connaissance empirique. Il subsiste cependant entre eux cette différence que Locke rejette de la science ainsi définie la physique et la psychologie, que Hobbes, à l’exemple de Descartes, prétend construire comme des sciences à priori. Ce sont là d’importants progrès, dont la théorie de la connaissance est redevable à Locke.

Wilhelm Göring : L’Espace et la Matière. Idées pour une critique des sens. (Berlin, Duncker, 1876.) — L’ultra-criticisme de l’auteur est rudement malmené dans cet article. On lui reproche de condamner, sans les entendre, et la théorie des signes locaux de Lotze, et celle de la projection de Jean Müllier ; de rejeter même la doctrine essentielle de Kant sur le moi. « La conscience critique, dit W. Göring, s’éveilla dans l’esprit de Kant, mais elle s’y obscurcit bien vite… Quoi de plus insensé, en effet, que de considérer la représentation de notre moi comme la plus pauvre des représentations. Rien n’est plus faux. La représentation du moi renferme tout un monde, et notre moi y est enveloppé par tout un monde. » Les erreurs de faits et de doctrines abondent dans le livre.


2e année, 1re livraison (octobre 1877).

Siebeck : Les Systèmes métaphysiques dans leur commun rapport à l’expèrience (1er article). —Ce premier article est une revue historique des principaux systèmes. L’auteur s’applique à y démontrer que les philosophes empruntent tous à l’expérience les éléments de leurs explications métaphysiques, quelque illusion qu’ils fassent sur ce point soit aux autres, soit à eux-mêmes. Cela est aussi vrai de l’Un des Éléates, des nombres de Pythagore, des atomes de Démocrite, que des théories opposées de Platon et d’Aristote, où tantôt l’individu est expliqué par le genre, tantôt le genre par l’individu. Les néoplatoniciens n’ont pas réussi davantage dans leur tentative pour s’affranchir de toute expérience, dans la pure intuition de l’être. L’Être parfait de saint Anselme n’est pas non plus une donnée exclusive de la pensée logique, une simple possibilité, puisqu’il contient dans sa définition l’existence. Ne pourrait-on pas d’ailleurs, ajoute ironiquement Siebeck, conclure, par un raisonnement semblable, l’existence du diable de la pure notion du plus grand mal possible ? Le contenu du Cogito ergo sum est emprunté à l’expérience plus que Descartes ne le croit. Les concepts de cause et de substance n’y sont-ils pas admis, sans critique préalable, sur la foi de la cons-