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cience ou du sens commun, c’est-à-dire sur l’autorité de l’expérience ? Spinoza ne dérive-t-il pas de la même source sa distinction des deux attributs au sein de la substance unique ? N’est-ce pas de cette même expérience que Leibniz fait sortir et le concept de la monade, et celui de l’harmonie préétablie ? Berkeley, véritable intermédiaire entre Locke et Kant, ne trouve la réalité que dans l’expérience interne. Enfin, nous arrivons par Hume à Kant, qui fait du moi le principe de la spéculation.

 : Dit Droit et des Mœurs du point de vue de la sélection étendue aux problèmes sociologiques. — L’auteur continue dans ce nouvel article l’étude qu’il avait entreprise dans le précédent numéro. Les principes de la sélection obligent de rejeter comme une utopie le vœu des moralistes, qui demandent que la concurrence et la lutte aient un terme. Ils permettent seulement de souhaiter que ces facteurs indestructibles de l’évolution sociale servent au perfectionnement et non à la destruction des individus, au progrès social et non à l’égoïsme. Les principes de la sélection peuvent seuls expliquer la formation et déterminer la valeur des notions morales, dont les métaphysiciens ne savent que constater la présence dans la conscience actuelle de l’humanité.

Benno Erdmann : La Division des sciences envisagées comme un tout organique. — Avant d’entreprendre de diviser ce tout organique qu’on appelle la science, il faut en définir l’objet. On peut dire que la science a pour mission de construire un système du monde, où chaque élément dépende de tous les autres, et où tout phénomène psychique ou physique dérive de lois nécessaires. La science a d’abord commencé par coordonner les objets de l’intention sensible ou les faits de l’expérience en séries diverses de concepts généraux, subordonnés ou coordonnés entre eux. Mais ce travail de classification n’aboutit qu’à systématiser les concepts de l’esprit : c’est une œuvre purement logique. La pensée scientifique ou spéculative n’en poursuivit pas d’autres pendant longtemps. C’est dans Spinoza que cette tendance première de la science trouve son expression la plus parfaite : l’auteur de l’Éthique conçoit l’univers comme un système de rapports logiques, à l’exemple du système des vérités mathématiques. — Mais la science moderne se préoccupe plus de démêler l’ordre de succession des faits, que d’en rechercher les rapports logiques. Elle s’attache moins à les ranger en classes qu’à les rattacher à leurs causes. Les concepts de genre et d’espèce dominaient autrefois la pensée ; le concept de cause est la catégorie essentielle pour la science d’aujourd’hui. Les premiers gouvernent les objets, le second régit les faits. « Le progrès de la pensée scientifique consiste à substituer, au principe de la corrélation ou de la subordination logique, celui de l’évolution des faits en vertu de la causalité. » Mais le passage de l’un de ces modes de pensée à l’autre ne s’est effectué ni partout ni aussi rapidement. Dans le domaine psychique, la mobilité des faits est si évidente, qu’il fallait l’entêtement systématique de Spinoza pour vouloir tout ramener à un ordre purement logique. Mais bien des siècles durent s’écouler avant que, dans les sciences de la nature, la théorie