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L’hypothèse vers laquelle nous paraissons portés par l’ensemble des faits, c’est que les cellules spermatiques et les cellules germinatives ne sont au fond que des véhicules portant de petits groupes d’unités physiologiques dans un état convenable pour obéir à leur penchant vers l’arrangement de structure de l’espèce à laquelle elles appartiennent. »

Par suite, la ressemblance d’un organisme à l’un ou à l’autre de ses parents est le résultat des tendances spéciales dérivées de ce parent. Dans le germe fécondé, il y a deux groupes d’unités physiologiques, légèrement différentes en structure ; elles se multiplient séparément aux dépens de la substance nutritive fournie au germe en voie de développement, et chaque espèce modèle sa substance nutritive en unités de son propre type. Tant que dure l’évolution, les deux espèces d’unités se ressemblent dans leur polarité et dans la forme sous laquelle elles tendent à s’agréger. Mais, comme elles ont aussi des différences secondaires, elles travaillent à la fois à l’unisson pour produire un organisme de l’espèce d’où elles dérivent, et en opposition pour produire des exemplaires des organismes parents d’où elles sont respectivement sorties. De ce concert et de cet antagonisme résulte, en fin de compte, un être où les traits d’une unité sont mêlés à ceux de l’autre.

Il suit de là, à priori, que les particularités individuelles et spontanées seront transmises d’une génération à l’autre avec les caractères spécifiques. « En effet, si dans l’hypothèse, un arrangement spécial de parties par un organisme est dû à la tendance de ses unités physiologiques vers cet arrangement, l’hypothèse d’un arrangement de parties légèrement différentes de celui de l’espèce implique des unités physiologiques légèrement différentes de celles de l’espèce ; et ces unités physiologiques légèrement différentes, transmises par l’intermédiaire des cellules spermatiques et des cellules germinatives, tendent dans le rejeton à se construire sous forme d’une structure qui s’éloigne pareillement du type moyen de l’espèce. »

On comprend aussi comment le rejeton ne ressemble pas également à ses deux parents. Comme les unités physiologiques présentes dans le germe fécondé sont légèrement différentes, le principe de l’instabilité de l’homogène (V. Premiers Principes) s’oppose à leur fusion uniforme ; en vertu de la différenciation et de l’intégration, il faut qu’elles soient plus ou moins séparées ; aussi l’influence de l’un des parents se fera-t-elle plus particulièrement sentir suivant les inégalités nécessaires de distribution. Par là s’explique encore la dissemblance des rejetons produits en même temps, et aussi les phénomènes singuliers de croisement et les variétés moyennes qui en résultent.

Rien de plus ingénieux et de plus commode que cette hypothèse, pour rendre compte des mystères les plus profonds de la nature vivante. Si chaque organisme est fait d’unités plastiques propres à son espèce, qui travaillent à mettre en équilibre leurs propriétés polaires pour constituer un édifice vivant, semblable à celui d’où elles sont issues, et qui en même temps peuvent se modifier lentement sous l’in-