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ANALYSESherbert spencer. — Principes de biologie.

organisme ne reçoit exactement, à un jour de distance, la même somme d’actions extérieures ; à plus forte raison deux organismes successifs ne sont-ils pas soumis à des influences identiques ; et à plus forte raison encore chaque espèce nouvelle est-elle en présence de nouvelles conditions physiques.

À ces actions infiniment variées s’ajoutent les actions géologiques. La surface des continents et le fond des mers se modifient incessamment ; le caractère physique des milieux en est modifié ; comme conséquence, et d’après la loi de la multiplication des effets (Premiers Principes), « chaque région du globe augmente en hétérogénéité de forme et de substance » ; de là de nouvelles modifications dans le système des forces incidentes auxquelles les organismes sont soumis.

Des variations astronomiques et géologiques naissent des variations météorologiques, qui, composant leurs effets avec ceux des lents changements du ciel et du sol, provoquent des combinaisons de plus en plus complexes des forces incidentes, par suite de la non-correspondance du rhythme astronomique et du rhythme géologique.

Enfin les espèces vivantes agissent les unes sur les autres. Si par exemple une espèce végétale est affectée, l’espèce animale qui s’en nourrit s’en ressent, et l’effet se repercute au loin, en se composant avec d’autres effets, nouvelle source, infiniment variée, de causes modificatrices.

Facteurs internes. — Cette expression : facteurs internes, pourrait prêter aisément à un malentendu. Il ne s’agit pas d’une tendance primitive et en quelque sorte innée au changement ; les organismes n’ont pas par eux-mêmes d’activité spontanée. Le passage de l’homogène à l’hétérogène, caractéristique de toute évolution, est l’œuvre des forces incidentes ; mais il est favorisé par les modifications mêmes que ces forces provoquent dans les organismes. Ainsi l’instabilité extrême de la matière organisée devient un auxiliaire puissant des actions extérieures ; grâce à elle, l’hétérogénéité interne s’accroît sans cesse ; par suite, les relations entre les éléments touchés par les forces incidentes et ces forces, se multiplient et se compliquent, et les causes générales de variation s’accroissent ; il en résulte une multiplicité et une variété croissante des formes organiques. « La tendance vers une hétérogénéité plus grande qui se trouve communiquée à un organisme par une perturbation de son milieu se trouve aidée par une tendance qu’a toute modification à en produire d’autres, lesquelles doivent devenir plus nombreuses à mesure que les organismes deviennent plus complexes. » — « Pareillement, dans l’agrégat d’individus qui constitue une espèce, la multiplication des effets devient la cause continuelle de la multiformité croissante. La dissolution d’une espèce en variétés divergentes donne naissance à de nouvelles combinaisons de forces qui tendent à produire de nouvelles divergences. Les variétés nouvelles entrent en compétition avec l’espèce mère d’une façon nouvelle et ajoutent ainsi de nouveaux éléments au milieu. »