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ANALYSESmagy. — La Raison et l’Ame.

de plus, le nombre des axiomes est déclaré indéfini. Quant à la fonction intuitive de la raison, elle a été souvent contestée, et, si on l’accepte, on tranche d’avance quelques-unes des plus graves difficultés que l’auteur agite plus loin.

Quoi qu’il en soit, les conditions logiques de chaque fonction fournissent les éléments de la loi fondamentale de la raison. Les cinq premières impliquent cette condition commune que tous les êtres sont homogènes et harmoniques ; la sixième introduit un élément nouveau, l’idée de l’être, raison suffisante et nécessaire d’un semblable système. La formule définitive est donc celle-ci : « Tout objet de la pensée est une pluralité d’éléments homogènes et harmoniques, ou la raison suffisante d’une telle pluralité. » Suivent des vérifications empruntées tour à tour aux sciences mathématiques, cosmologiques, anthropologiques, métaphysiques, qui toutes témoignent en faveur de cette grande loi de la pensée. M. Magy l’appelle loi subjective, par opposition à la loi objective de la connaissance, en vertu de laquelle nous concevons tous les objets sous l’attribut de l’étendue ou sous l’attribut de la force[1]. Toutes deux ensemble « contiennent la théorie philosophique de la connaissance et déterminent entièrement la méthode générale de l’esprit humain » (p. 49-89).

2o  Il s’agit de remonter à l’origine de cette loi. La méthode ici est d’évoquer toutes les hypothèses susceptibles de l’expliquer et de rejeter celles qui en méconnaissent les caractères essentiels. Résumons d’abord ces caractères. La loi fondamentale de la raison unifie toutes les fonctions rationnelles ; elle forme un jugement synthétique à priori ; elle est absolument nécessaire ; elle est toujours et partout vérifiée ; elle est absolument universelle ; elle est axiomatique : toutes ces propriétés ressortent suffisamment du mode de formation de la loi. Enfin, comme une unité de substance peut seule opérer une synthèse intellectuelle, la loi de la raison réside nécessairement en un sujet simple. Cette simple remarque établit la spiritualité de l’âme, et « toute autre démonstration est vicieuse » (p. 91-142).

Or quelle est l’hypothèse qui satisfait à toutes ces conditions ?

L’hypothèse empirique de Mill est condamnée par les raisons suivantes. D’un nombre très-restreint de données expérimentales nous concluons souvent à une loi nécessaire ; d’un nombre infini de données concordantes nous concluons quelquefois à une coïncidence fortuite. La notion de loi n’est donc pas une généralisation de l’expérience. L’abstraction ne saurait non plus retirer la loi des cas particuliers, car un abstrait subjectif ne témoigne pas d’un fait objectif au delà de ce qu’en témoigne l’expérience. Enfin l’hypothèse conduit aux trois conséquences suivantes avouées de Mill : il y a des effets sans cause ; il n’est pas

  1. La démonstration de cette dernière loi fait l’objet propre de l’ouvrage cité plus haut, la Science et la Nature. Elle fournit, si l’on veut, un « système de catégories », mais évidemment incomplet.