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ANALYSESl. arréat. — Une Éducation intellectuelle.

contraires, une conception définitive dont on puisse dire enfin qu’elle est la science philosophique. Avec plus ou moins d’habileté, plus ou moins de puissance, un grand nombre de penseurs contemporains se sont déjà proposé le même but. L’ont-ils atteint ? est-il même possible de l’atteindre ? Il est encore hasardeux de répondre. Les études historiques, les travaux d’érudition ont soulevé autour de nous la poussière des idées écloses depuis l’origine des temps aux quatre coins de l’horizon. Cette fumée une fois dissipée, quand on pourra considérer de haut le champ de la philosophie qu’on explore aujourd’hui en détail, on verra peut-être que le progrès en métaphysique s’est toujours fait et doit se faire non par la juxtaposition et la conciliation des principes opposés, mais par le développement interne et parallèle des divers systèmes.

D.

L. Arréat. Une Éducation intellectuelle. 1 vol., Germer Baillière, 1877.

Le livre de M. Arréat appartient à la catégorie trop peu nombreuse des analyses autobiographiques, des mémoires personnels, où l’auteur raconte comment il a été élevé et met le public dans le secret de son évolution mentale. La science de l’éducation et la psychologie elle-même auraient beaucoup à gagner à la généralisation de ces confidences, de ces révélations intimes, qui montrent comment se forme peu à peu, et en quelque sorte fil par fil, le tissu d’une âme humaine. Quoi de plus instructif, par exemple, de plus propre à favoriser les progrès de la pédagogie, que les renseignements fournis par Stuart Mill, dans ses Mémoires, sur les méthodes et les procédés d’instruction auxquels est dû, en partie, son génie philosophique ? Le profit n’est guère moindre quand il s’agit, comme dans l’ouvrage qui nous occupe, d’une intelligence moyenne et simplement distinguée, notant avec soin les influences qui ont agi sur son développement, sur la formation et le travail intérieur de ses croyances.

C’est surtout la première partie de l’ouvrage de M. Arréat qui nous satisfait sous ce rapport. Il y raconte les vicissitudes de sa première éducation, tantôt dans un collège de Jésuites, tantôt dans un lycée universitaire. Du système pédagogique des Jésuites, il juge, comme Macaulay, « qu’ils semblent avoir découvert le point jusqu’où on peut pousser la culture intellectuelle sans courir le risque d’arriver à l’émancipation intellectuelle. » Une ménage pas non plus les critiques à l’Université, dont il aime pourtant l’esprit et les tendances. Il constate les lacunes de son enseignement ; il se plaint de l’absence d’une conception générale qui relie les différentes classes et leur imprime une direction commune ; il relève l’inutilité de certaines études qui restent inefficaces sur l’esprit, en raison de leur généralité et de leur caractère abstrait : « L’induction et la déduction, dit-il dans son langage un peu