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marion. — john locke d’après des documents nouveaux

est certain que de 1667 à 1672, quand il avait de trente-cinq à quarante ans, il était en voie de devenir un grand médecin beaucoup plutôt qu’un philosophe. Il cherchait ardemment les moyens d’empêcher le retour d’un fléau comme la peste de Londres et de diminuer la mortalité publique, alors effroyable. Il aidait Sydenham dans ses observations, préconisait la description minutieuse des maladies et en donnait l’exemple, notait jour par jour, heure par heure, la marche de celles qu’il soignait et des siennes propres. Il contribuait à d’heureuses innovations dans le traitement de la petite vérole, le grand mal de l’époque. Il écrivait de petits traités, dont un seul a été retrouvé entier : Respirationis usus[1]. Nous avons des fragments de trois autres : de Arte medica ; Anatomica ; Tussis[2] ; plus une préface pour le livre de Sydenham. Ces études nous intéressent au point de vue de la méthode qu’il y apportait : nous verrons ce qu’elles nous apprennent de ses tendances d’esprit.

En même temps, il menait de front les occupations les plus diverses, gouverneur d’Antoine Ashley et chargé de lui trouver une femme, engagé par là dans les négociations les plus délicates et s’en tirant à son honneur. On l’appréciait au plus haut point comme homme du monde. Il était en correspondance avec plusieurs amis, dont le principal, Mapletoft, était un fort savant homme, médecin, théologien, précepteur des enfants de Northumberland. Des femmes distinguées lui écrivaient et recevaient de lui de curieuses lettres, pleines à la fois de tendresse et de mélancolie, qui, sans nous apprendre rien de précis, nous font bien comprendre l’attrait qu’il exerçait dans les relations familières. Elles nous montrent malheureusement aussi le mauvais état de sa santé dès cette époque. Atteint de cette terrible maladie de poitrine, qui avait enlevé son père jeune encore et son frère à vingt-six ans, il souffrait déjà d’une toux opiniâtre dont il se plaindra toute sa vie. Point de doute qu’il n’eût de bonne heure succombé à la phthisie sans les précautions dont il s’entoura. Il était surmené de travail. Lord Ashley étant le principal des huit « lords proprietors » à qui le roi avait concédé en 1669 le territoire de la Caroline, ce fut Locke qui fut chargé d’en diriger la colonisation, de régler et contrôler les préparatifs matériels (équipement des navires, approvisionnement, recrutement des colons), aussi bien que de rédiger la « Constitution fondamentale » de la colonie[3]. Il s’appliqua

  1. Shaftesbury Papers', série VIII, n° 2.
  2. Shaftesbury Papers, série VIII, n° 2.
  3. The fundamental Constitutions for the government of Carolina. Conservé dans les Shaftesbury Papers (série viii, n° 3), le manuscrit est de la main de Locke. Cet intéressant travail a été chez nous l’objet d’une étude