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herbert spencer. — études de sociologie.

genoux ». Il en est de même à Cambodge ; « si quelqu’un était obligé d’approcher la personne royale pour lui remettre un objet ou pour obéir à un ordre, quelle que fût la distance, l’étiquette cambodgienne prescrivait d’avancer en rampant sur les genoux et les coudes. » À Java, « un inférieur est obligé de se mouvoir sur les genoux repliés jusqu’à ce qu’il soit hors de la vue de son supérieur. » Un usage semblable existe parmi les sujets du roi de Zulu, même chez ses femmes ; les femmes de Dingarn dirent : « Pendant qu’il est à la maison, il ne leur est jamais permis de se tenir debout ; elles changent de place en marchant à quatre pattes. » Et à Loango cette coutume règne non-seulement à la cour, mais les femmes, en général, « n’osent pas parler à leurs maris, si ce n’est le genou nu à terre ; et pour aller à leur rencontre elles sont obligées de ramper sur leurs mains. » Un état voisin fournit un exemple de gradation dans ces formes de prosternation partielle, et une signification nette est attachée à cette gradation. Burton rapporte que la « Dakro », une femme qui porte les messages du roi de Dahomey au Meu, marche à quatre pattes devant le roi. De même, « il est de règle qu’elle s’avance à quatre pattes jusqu’au Meu et s’agenouille seulement devant les hommes de rang inférieur, qui se mettent à quatre pattes devant elle. »

Ici, nous arrivons incidemment à une nouvelle abréviation de la prosternation primitive, d’où résulte une des salutations les plus répandues. De même que nous passons de la posture à plat ventre à celle du musulman qui incline son front jusqu’à terre ; de même nous passons de cette dernière à la posture à quatre pattes, et de celle-ci, avec le relèvement du corps, à la simple génuflexion. Il est inutile de montrer que la génuflexion est et a été à des époques et dans des pays innombrables une forme d’hommage politique, social et religieux. Nous observerons seulement qu’elle est et a été partout associée au gouvernement despotique, par exemple en Afrique, où, « à force de génuflexions sur le sol dur, les genoux des Dahomans deviennent presque aussi durs que leurs talons ; » ainsi au Japon, « où, en quittant l’empereur, les officiers se retirent en glissant sur leurs genoux ; » ainsi en Chine, où « les enfants du vice-roi… en passant devant la tente de leur père, tombaient à genoux et inclinaient trois fois leur visage contre terre ; » et dans l’Europe du moyen âge, où les serfs s’agenouillaient devant leurs maîtres, les vassaux féodaux devant leur suzerain. En 1444, la duchesse Isabelle de Bourbon, rendant visite à la reine, se mit trois fois à genoux pendant qu’elle s’avançait vers la souveraine.

Nous ne nous arrêterons pas à la transition de la coutume de se