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se découvre en partie les épaules et qu’en Espagne on écarte un peu le manteau pour se saluer entre égaux. Ainsi donc, la coutume d’être nu-pieds quand on se présente devant le roi et quand on entre dans un temple donne naissance à un acte de politesse ordinaire : les Damaras ôtent leurs sandales avant d’entrer dans la maison d’un étranger ; un Japonais laisse ses souliers à la porte, même quand il va dans un magasin ; « quand on est entré dans une maison turque, c’est la règle invariable de laisser les galoches au pied de l’escalier. » En Europe, on se découvrit d’abord en prêtant l’hommage féodal et pendant les cérémonies religieuses ; aujourd’hui, on regarde comme un devoir de politesse de se découvrir en entrant dans le cottage d’un laboureur.

Ces derniers faits suggèrent la nécessité d’ajouter quelques lignes avant de conclure. Il faut que nous disions quelques mots de la manière dont tous les genres de salutations sont dérivés ainsi par diffusion des salutations qui exprimaient originairement l’acte de se rendre au vainqueur et de se soumettre à un chef. Des preuves ont été données que les mouvements rhythmiques musculaires, indiquant naturellement la joie, tels que faire des sauts, frapper des mains, et même se tambouriner les côtes avec les coudes, deviennent des signes simulés de joie pour attirer le bon vouloir d’un souverain, quand ils sont joints à des attitudes marquant la sujétion. Ces signes simulés de joie deviennent des civilités là où. il n’y’a aucune différence de rang. D’après Grant, « quand un enfant naissait dans le Torke… les femmes se rassemblaient à la porte de la mère afin de témoigner leur joie ; elles frappaient des mains, dansaient et poussaient des cris. Leur danse consistait à sauter en l’air, à avancer les jambes d’une manière très-bizarre et à se battre les côtes avec leurs coudes. » Là où les circonstances le permettent, de telles marques de considération deviennent mutuelles. Bosman rapporte que sur la côte des esclaves, « quand deux personnes de condition égale se rencontrent, elles tombent simultanément à genoux, frappent des mains et se saluent l’une l’autre en se souhaitant le bonjour. » Il y a des cas où l’on se prosterne l’un devant l’autre pour se saluer. Chez les Mosquitos, dit Bancroft, « un homme se jette aux pieds d’un autre qui lui aide à se relever, qui l’embrasse et se jette par terre à son tour, pour se faire relever et réconforter par une poignée de main. » Ces exemples extrêmes vérifient au besoin la conclusion que les salutations mutuelles, les révérences, la coutume d’ôter le chapeau dans nos pays sont les restes de la prosternation originelle et du dévêtissement du captif.

Mais je donne ces exemples particulièrement en vue de présenter