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On se rappelle aussi que Hering avait cru devoir recommencer les expériences de Weber sur les poids, et qu’il était arrivé à de tout autres résultats que son illustre prédécesseur, ce qui enlevait à la loi de Fecliner l’un de ses plus solides appuis[1]. Pour les poids croissant par 250 grammes depuis 250 jusque 2750 grammes, Hering avait toutefois reconnu que, si l’on faisait entrer en ligne de compte le poids du bras, les résultats s’accordaient assez bien, avec la loi logarithmique[2]. Fechner triomphe de cette circonstance et demande, avec assez de raison, ce me semble, à son adversaire comment il explique cette remarquable coïncidence. Mais, comme pour les poids plus petits croissant depuis 10 grammes jusque 500 grammes, il ne peut plus être question de faire intervenir le poids du bras, il est obligé d’avouer, pour maintenir sa loi, qu’elle n’est pas applicable aux petites valeurs, et que c’est là d’ailleurs une chose depuis longtemps admise ; et il attribue le fait à des circonstances perturbatrices inconnues, ou bien à ce que la main, et non tout le bras, prendrait, dans ce cas, uniquement part à l’expérience (p. 189 et suiv.). Comme on le voit, l’objection subsiste. Certes, elle ne suffirait pas à elle seule pour faire rejeter la loi de Fechner ; mais, tant que l’anomalie n’a pas trouvé d’explication raisonnable, le doute est tout au moins permis.

Parmi les arguments de Hering, l’un des plus ingénieux était, sans contredit, le suivant[3]. La sensation est l’occasion de mouvements musculaires ; dans quel rapport sont-ils avec elle ? Si un caillou de 10 livres est senti comme ayant un poids égal au logarithme de 10, comment se fait-il que je sais, pour le lancer, proportionner mon effort au poids réel, et non au poids senti ? Fechner, pour répondre à cette question, appelle à son aide une loi — très-contestée — mise au jour par un jeune professeur de léna, W. Preyer, qui s’est fait connaître par des travaux très-variés, et qui vient récemment de publier un traité élémentaire de la sensation[4]. Suivant cette loi, le raccourcissement relatif du muscle serait proportionnel au logarithme de l’excitation (électrique). Le rapprochement est forcé et Fechner lui-même le sent fort bien (p. 73, 199).

  1. Revue philosophique, loc. cit., p. 238 et 239.
  2. Fechner montre que, si l’on compte pour le bras 2273 grammes, les rapports , deviennent .
  3. V. Revue phil., loc. cit., p. 233.
  4. Elemente der reinen Empfindungslehre (Iena, Dufft, 1877), 93 pages. L’ouvrage de Preyer sur la force musculaire est intitulé : Das Myophysische Gesetz (Iena, Mauke, 1874), X et 144 pages.