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herbert spencer. — études de sociologie.

découle du pillage des tribus voisines et des sujets et où l’on raconte à propos du roi qu’étant allé à la chasse « et n’ayant pas rencontré de gibier sur lequel il pût diriger ses traits, il abattit beaucoup d’hommes » ; nous les trouvons chez les Dahomans sanguinaires, qui attaquent les peuplades voisines afin qu’il y ait plus de têtes pour décorer la demeure royale ; ici, tous les sujets, même les ministres, sont les esclaves du roi. Parmi les états plus avancés, nous trouvons ces attitudes rampantes dans le Burmah et le Siam, où le type militant, legs du passé, a laissé également un pouvoir monarchiste illimité, dans le Japon, où le despotisme s’est développé et établi durant les guerres des temps primitifs, et en Chine, où, sous une forme de gouvernement analogue, il existe encore des demi-prosternations et où l’on frappe encore la tête contre le sol devant le chef suprême. Il en est de même du baisement des pieds comme signe d’hommage. Il était en usage dans l’ancien Pérou, où toute la nation était organisée et disciplinée militairement. Il est pratiqué dans l’île de Madagascar, où la structure et l’activité militantes sont très-marquées. Parmi différents peuples de l’Orient vivant encore, comme ils ont toujours vécu, sous un gouvernement autocratique, ce témoignage de respect subsiste maintenant comme il a subsisté dans les temps les plus reculés. Il en est de même en ce qui concerne l’enlèvement partiel ou total des vêtements. D’après ce que nous avons vu, les formes extrêmes de cette salutation étaient observées aux îles Fidji et à Uganda, tandis que la forme adoucie, consistant à découvrir le corps jusqu’à la ceinture, se rencontrait dans l’Abyssinie et à Tahiti, où le pouvoir royal, quoique grand, est moins despotique. Nous en dirons autant de la nudité des pieds. Elle était un hommage rendu au roi dans l’ancien Pérou et dans l’ancien Mexique, comme elle est maintenant une salutation dans le Burmah et dans la Perse, tous ces pays ayant des gouvernements despotiques issus du système militant. Les mêmes observations peuvent être répétées à propos des autres salutations extrêmes : la poussière répandue sur la tête, les vêtemennts humbles, le fardeau porté sur l’épaule et les mains liées.

La même vérité se révèle à nous quand nous comparons les usages des nations européennes à l’époque où la guerre était l’unique occupation de la vie avec les usages de notre époque où la guerre a cessé d’être l’unique occupation. Dans les temps de la féodalité, on saluait en baisant les pieds, en rampant sur les genoux, en joignant les mains, en ôtant différentes parties du vêtement ; mais de nos jours les plus humbles de ces salutations ont disparu les unes tout à fait, les autres à peu près : on se contente de s’incliner,